vendredi 5 juillet 2013

Le prêtre et les oeufs


Source: kiralyudvar.lapunk.hu

Il était une fois un prêtre qui avait pour serviteur un vieux garçon tzigane venant de  Transylvanie1. C'est lui qui s'occupait de tout à la maison.
Le prêtre allait chaque jour dans une autre famille prendre son petit déjeuner, son déjeuner et son dîner. Il mangeait des oeufs, un à chaque repas. Un mois passa et il dut payer pour ses repas. Il alla voir le maître de maison pour convenir du prix à payer. Quand on mange, on doit solder son compte, c'est normal.

Le maître de maison compta combien d'oeufs le prêtre avait mangés. Il compta aussi le nombre de poulets et de poules qu’il aurait eu si le prêtre n'avait pas mangé ses oeufs. Il calcula un montant tel que tous les biens du prêtre n'auraient pas suffi. La facture était bien salée.

«Oh là là, je ne peux pas régler ce montant», dit le prêtre.

«Si tu ne peux pas payer, alors je vais porter plainte contre toi au Tribunal. Trop, c'est trop!» dit le maître de maison.

Il saisit son bâton et fit route vers le Tribunal. Il avait l’intention d'y déposer une plainte pour récupérer la somme mangée par le prêtre. Tous les oeufs avalés auraient pu donner encore bien des poules, des poulets et combien d'autres oeufs.
Sainte Mère!
Toujours est-il que le prêtre fut convoqué au Tribunal. Oh là là! Il était tout abattu, cette affaire lui causait bien du tracas. Il pensait sans cesse à ce qui se passerait au Tribunal.

Le tzigane qui était à son service, remarqua son angoisse et demanda:

«Alors, Monsieur le Prêtre! Qu'est-ce qui te peine en ce moment? Je te trouve très pensif! Tu dois avoir de gros soucis!
-Ne m’en parle pas! Pourquoi veux-tu que je te raconte tout ça?
-Pas de ça entre nous, dis-moi tout! Peut-être que même moi, je pourrais t'aider dans ton malheur.
-Mais non, mais non...
-Du courage, Monsieur le Prêtre! Allez, raconte-moi tout et je t'aiderai!»

Alors le prêtre céda et raconta son histoire.

«Tu sais quoi, Monsieur le Prêtre, je t'accompagnerai au Tribunal», dit le serviteur.
«A quoi, toi, tu me servirais là-bas?
-Si, je dois y aller! Je dois entendre ce qu'on va te dire.
-Bon, d'accord! Accompagne-moi!»

Quand arriva enfin le jour de l'audition, tous les deux s'habillèrent convenablement. Le prêtre donna à son serviteur quelques vêtements afin qu'il soit correctement habillé. Alors qu'ils étaient prêts à partir, le serviteur trouva la moitié d'une brique. Hop! Il la prit et la cacha sous sa chemise. Il dut la tenir pour qu'elle ne tombe pas par terre.
Ils arrivèrent sans problème au Tribunal. Le juge énuméra le nombre d'oeufs que le prêtre avait mangés et qu'il ne pouvait payer.

Mais que faisait donc pendant ce temps le serviteur? Il se frappait sans cesse la poitrine, plus exactement la moitié de la brique de tout à l'heure. Voyant cela, le juge crut que le serviteur serait le payeur et que l'argent était sur lui. Mais non! Le serviteur s'impatienta et dit au prêtre:

«Quand en aurons-nous fini ici parce que j'ai des choses à faire à la maison. Tu sais bien qu'un grand travail m'attend là-bas!»

Le juge dit:

«Alors, quel travail t'attend?
-Le chaudron est plein de blé qui est en train de cuire sur le feu. Dès que nous serons rentrés, je le sèmerai.
-Comment? Tu cuis d'abord le blé, ensuite tu le sèmes?
-Oui, je veux le semer.
-Mais enfin, c'est impossible. Cela ne donnera rien du tout. Le blé cuit ne lèvera jamais.
-Ah oui, le blé cuit ne lèvera pas? Alors, les oeufs cuits? Ils auraient donné combien de poules et de poulets?» demanda le serviteur au juge.

Et voilà, le juge se mit à réfléchir.

«Tu as raison», dit-il.
«Alors, Monsieur le Juge, si tu ne m'avais pas donné raison, je t'aurais cassé le nez avec ce morceau de brique que tu vois ici. Si le blé cuit ne donne rien, alors les oeufs cuits ne donnent rien non plus», répliqua pour finir le serviteur.

Le prêtre et son serviteur rentrèrent à la maison et c'est ainsi que le prêtre obtint gain de cause.

1 La Transylvanie qui signifie en latin au-delà des forêts, est une région du centre-ouest de la Roumanie