vendredi 27 décembre 2013

La bride enchantée

Conte imaginé par Endre Stankowsky


Il était une fois un jeune gardien de chevaux. Il avait si grand appétit qu'il était capable de manger soixante-six boulettes sans avoir besoin de desserrer sa ceinture. Sa force physique fut semblable à son appétit parce qu'il pouvait soulever un cheval de sept ans si l'occasion se présentait.
Quand le jeune homme dépassa ses vingt-sept ans, il dit à son père:

«Ecoutez mon cher Père, il serait grand temps d'aller chercher une fiancée.»

Le vieux gardien de chevaux approuva le projet de son fils et lui dit adieu. Le jeune homme se mit en route à pied. A peine fit-il un bout de chemin, qu'il aperçut dans un champ un cheval se bagarrant avec un loup. Il ne se le fit pas dire deux fois, il sortit son fouet de lanières qu'il fit claquer si bruyamment sur le loup que celui-ci s'allongea par terre immédiatement. A ce moment-là le cheval se tourna vers le jeune homme et dit:

«Tu m'as débarrassé de mon plus grand ennemi, le roi des loups. C'est mon tour de t'aider. Je sais où tu veux aller. Ton parcours s'annonce difficile. Ta future fiancée habite loin d'ici, au delà de la rivière d'acier derrière la montagne de confiture dans la maison d'une sorcière. Enlève ma bride et mets-la dans ta besace. Si tu jettes cette bride à quelqu'un, il ira à toute vitesse jusqu'à ce que tu lui ordonnes de s'arrêter.»

Le jeune homme fit ainsi. Il tapa amicalement sur le cou du cheval et lui dit adieu.

Il était en route depuis plus de six mois quand il arriva à la rivière d'acier.

«Que va-t-il se passer?» se dit-il en se grattant la tête.

Il était complètement affligé quand un grand poisson, gueule ouverte, apparut dans la rivière.

«Va-t'en d'ici, sinon, je vais t'enfourner tout de suite.»

Yantchi parce qu'il s'appelait comme ça, ne se le fit pas dire deux fois, il sortit la bride et la jeta sur la tête du poisson. Alors, voyez le miracle! Le poisson était apprivoisé et devint doux comme un agneau. Il proposa à Yantchi de s'asseoir sur son dos pour l'emmener sur la rive d'en face.

Yantchi se mit immédiatement sur le dos du poisson qui traversa vite la rivière d'acier. Quand ils arrivèrent, Yantchi ôta la bride et sauta sur la berge.

Deux jours plus tard, Yantchi glissa sur le versant de la montagne de confiture, ses bottes s'enfonçaient partout où il mettait les pieds.

«J'aurai de gros soucis ici», se dit-il.

Subitement il s'aperçut que derrière la montagne un dragon ailé agitait sa mâchoire et regardait vers lui. Il n'hésita pas beaucoup, il sortit la bride et il se retrouva instantanément sur le dos du dragon qui galopa si vite avec Yantchi que celui-ci entendait siffler le vent dans ses oreilles.

La maison de la sorcière était au milieu d'une forêt très épaisse. Quand elle vit arriver Yantchi, elle sortit de sa maison. Ses cheveux ressemblaient à un tas de foin, ses oreilles à un éventail, son nez descendait jusqu'à sa poitrine.
Elle croassa comme un corbeau. Elle cria comme une crécerelle. Yantchi fut convaincu que leur rencontre se terminera mal mais à l'aide de sa bride miraculeuse, il sauta sur le dos de la sorcière et la poussa pendant sept jours et sept nuits dans la forêt.

Au bout du septième jour, la sorcière s'écroula. Sa peau se fendit et une merveilleuse fille s'en sortit.

Yantchi s'en réjouit, surtout quand la belle lui dit:

«Je te remercie de m'avoir libérée. Une méchante sorcière m'a enchantée et m'a obligée à apparaître et à vivre sous la forme d'une sorcière. Qui sait combien de temps j'aurais souffert si tu ne m'en avais pas délivrée. Maintenant seule la mort nous séparera.»

Yantchi ne se le fit pas dire deux fois. Il appela le cheval magique, lui posa sa bride miraculeuse, et hop-là! Ils furent à la maison.

Ils y vécurent heureux.

   


vendredi 20 décembre 2013

Les fous




Conte imaginé par Andrea Kopacz
Il était une fois dans une lointaine contrée deux bergers. Le jeune berger dit un jour au vieux berger:

«Allons au village, je voudrais me marier.
-As-tu déjà une fiancée?» demanda le vieux berger.
«Je n’ai pas encore, mais j’en aurai», répondit le jeune homme.

Bien, ils arrivèrent dans le village et demandèrent aux gens, ici et là, dans quelle maison il y aurait une fille à épouser. Enfin, un villageois leur indiqua le chemin d’une ferme.
Ils entèrent dans la maison et firent la connaissance du fermier, de sa femme et de sa fille. Le vieux berger raconta ce qui les amenait. Finalement, le fermier et sa femme ne s’opposèrent pas à l’idée du mariage de leur fille et du jeune berger: la fille était bonne à marier, le jeune homme était adroit de ses mains, ils étaient donc faits l’un pour l’autre.
Les deux bergers s’assirent autour de la table. Le fermier envoya sa fille à la cave chercher une bouteille de vin. Elle y trouva une hachette qu’elle prit en mains et en la regardant de tous les côtés elle se sentit tout à coup affligée et se mit à soupirer.

«Mon Dieu, mon Dieu, si je me marie, j'aurai un petit garçon. Il s'appellera Clément et il aura un manteau en peau de mouton retournée et brodée. Si un jour ce petit Clément descend à la cave et trouve cette hachette, si tout à fait par hasard il se coupe, il va mourir. A qui reviendra ce manteau?»

Elle commença à pleurer à chaudes larmes ce qui lui fendit le coeur. Pendant ce temps, son père brûlait d'impatience. Il descendit donc lui aussi à la cave pour voir sa fille.

«Qu'est-ce qui t'arrive? Pourquoi pleures-tu?» demanda-t-il.

Sa fille lui raconta en pleurant à quoi elle pensait. Son père la consola en vain. Elle continua à pleurer à chaudes larmes et elle ne voulait pas remonter.
La mère suivit sa fille dans la cave. Celle-ci raconta à quoi elle pensait. Le vieux berger descendit suivi du fiancé. La fille leur raconta son histoire.

«Mon Dieu, mon Dieu, si un jour ce petit Clément décède, à qui reviendra le manteau?» dit-elle.

Le vieux berger dit au fiancé:

«Alors mon fils, je te conseille de trouver trois fous identiques avant d'épouser cette fille.
-Je vais suivre bien volontiers votre conseil», répondit le jeune berger.

Sur ce, ils laissèrent la fille seule dans la cave. Le vieux berger rentra chez lui, le jeune partit pour trouver des fous. Il marcha, chemina jusqu’à ce qu’il arrive dans un village. Il s’arrêta dans la cour d’une maison, et il vit qu’un homme jetait des noix dans le grenier avec une fourche en fer.

«Que faites-vous, vous là?» demanda-t-il.
«Ne m’en parlez pas ! Depuis trois ans j’essaie de jeter ces noix au grenier, mais je n’y arrive pas!» répondit l’homme.
«Eh bien alors, se dit le jeune homme, j’ai déjà trouvé un fou.»

Il demanda un sac à l’homme puis il ramassa les noix et les mit dedans. Après être monté avec le sac au grenier, il redescendit, et il continua son chemin.
Il marcha, chemina jusqu’à ce qu’il voie une femme dans une cour. Elle était en train de filer la laine en ayant attaché le mouton à son rouet. Le jeune l’interpella ainsi:

«Que faites-vous, vous là?»
«Je file la laine, mon garçon!» répondit la femme.
«Mais ce n’est pas comme ça qu’il faut faire, ma pauvre dame», répondit le jeune homme.

Il le lui montra tout de suite. Quand il eut fini de tondre la laine sur le dos du mouton, il dit à la femme:

«Maintenant, il faut laver la laine et quand elle sera sèche, vous devrez la carder, ensuite vous pourrez l’attacher au rouet.»

Sur ce, il quitta la femme et en sortant de la cour, il se dit avec satisfaction:«j’ai trouvé le deuxième fou.»

Il continua son chemin. Il arriva dans un village où les gens étaient en train de construire une église sans fenêtre. Le juge ordonna aux villageois d’apporter de la lumière dans l’église. Tout le village s’y appliqua, même les plus petits. Ils arrivèrent avec des sacs dont les ouvertures étaient tournées vers le soleil. Quand ils pensèrent que les sacs étaient pleins de lumière, ils les fermèrent rapidement et coururent avec les sacs jusqu’à l’église. Là-bas, ils les ouvrirent pour laisser sortir la lumière.

«Alors ça, c’est génial! J’ai trouvé le troisième fou, j’en ai même plus que trois!» se dit le jeune berger.

Il apprit aux gens à faire une fenêtre pour avoir de la lumière. Quand il eut fini, il fit demi-tour et alla voir sa fiancée. Le jour même ils donnèrent un grand repas de noces.

L’histoire est finie, sauve-toi avec!


Collecte d’Elek Benedek



vendredi 13 décembre 2013

Jésus, Saint Pierre et les charpentiers


Source: pix.ie
Jésus Christ et Saint Pierre arrivèrent tard le soir dans une ville. Ils entrèrent dans une auberge où il n’y avait que des chambres à cinq lits. Quatre lits étaient déjà pris par quatre charpentiers qui chantaient et dansaient dans le restaurant de l’auberge. Ivres, ils tapaient sur la table avec des bâtons. L’aubergiste proposa le cinquième lit à Jésus et à Saint Pierre.
Pendant le dîner, Pierre en eut vite assez de la débauche des charpentiers et dit à Jésus:

«Montons dans notre chambre, n’écoutons plus ce vacarme!
D’accord! Allons-y!» acquiesça Jésus.

Quand ils montèrent dans leur chambre, Saint Pierre dit à Jésus:

«Mettez-vous près du mur pour ne pas entendre ce chahut. Moi, je supporterai mieux être à l’extérieur.»

A peine s’endormirent-ils que les charpentiers entrèrent dans la chambre et continuèrent leur fête. Celui qui avait les mailloches en bois, s’approcha du lit et commença à taper sur le côté de Saint Pierre qui se retourna. Le charpentier tapa alors sur l’autre côté. Saint Pierre n’en pouvant plus, secoua Jésus et lui dit:

«Changeons de place, il se peut que vous soyez trop coincé contre le mur!
D’accord, changeons de place!» répondit Jésus.

Quand le changement fut fait, le joueur de cymbalum dit:

«Donnons un coup à celui qui est près du mur car jusqu’ici l’autre est le seul à en avoir reçu.»

vendredi 6 décembre 2013

Le domestique coupable

Source : hesykhia.blog.hu 
Il était une fois un seigneur qui avait un serviteur. Celui-ci était depuis sept ans déjà à son service.
Un jour le domestique frappa à la porte du seigneur et demanda son salaire.

Le seigneur répondit:

«Comment? Que c'est moi qui paie quand c'est toi qui me dois de l'argent!»

Il dénigra avec une telle ferveur le domestique que celui-ci resta encore sept ans. La pauvre domestique était tellement déguenillé que ses chaussettes étaient en lambeaux.

Sept ans de service passèrent. Il frappa à nouveau à la porte du seigneur et demanda son salaire car il voulut se retirer.

Le seigneur lui dit:

«Tu ne peux pas quitter ton service tant que tu as des dettes.»

Et le domestique resta encore sept ans. A la fin de la septième année il alla revoir et dit:

«Je demande mon salaire, j'ai passé suffisamment de temps à votre service.
«Tant pis, dit le seigneur, va-t'en mais tu me dois encore d'après ton ancienneté.»

Le domestique sortit et pensa à mettre le feu chez le seigneur. A ce moment un vieil homme croisa son chemin et lui dit:

«Qu'est-ce que tu mijotes, mon fils?»

Le serviteur répondit:

«Je pense, cher monsieur que j'étais au service du seigneur pendant vingt-et-un ans et il ne m'a jamais donné ma rémunération. Je vais incendier tout ce qu'il a.»

Le vieillard répondit:

«Ne mets pas le feu aux biens du seigneur car c'est toi qui as l'amour du bon Dieu pas le seigneur. Si tu mets le feu à sa maison, le bon Dieu ne t'aimera plus.»

Le serviteur répondit:

«Bien, j'irai le faire quand même.»

Le vieillard dit:

«Quand tu mettras le feu, regarde derrière toi. Ensuite viens me voir pour me raconter ce que tu as vu.»

A midi pile, la propriété du seigneur prit feu. Le seigneur était en train de déjeuner  avec sa femme et sa fille. Au-dessus des flammes, trois pigeons volèrent, et on vit aussi un pilier chauffé au rouge avec une chaîne. Un homme était attaché au pilier avec la chaîne.

Le serviteur alla voir le vieillard et lui raconta ce qu'il avait vu.

Le vieil lui dit:

«Le pilier c'est toi, les trois pigeons c'est ton seigneur et sa famille.»

Ainsi dit, le vieil homme s'en alla, la terre s'ouvrit et le serviteur tomba dedans.


(Conte transylvain)