vendredi 5 décembre 2014

La légende du cheval blanc

Source :Wikimedia Commons


Quand l’ambassadeur  Kusid, fils de Kond1 arriva dans la Bassin des Carpates où la terre était rendue fertile par le Danube, il apprécia le beau paysage et sa terre riche et féconde ainsi que les rives du fleuve très verdoyantes. Il se rendit immédiatement chez Svatopluk2, prince de la province. Il le salua au nom de son peuple et lui présenta le motif de sa venue en faisant l’éloge de sa belle et riche région. Svatopluk  s’en réjouit et pensa que Kusid et sa troupe étaient des paysans et qu’ils venaient pour cultiver la terre. Pour cette raison il se montra bienveillant à son égard, et il laissa partir l’ambassadeur.


Après avoir rempli une gourde avec de l’eau du Danube, et avoir mis dans sa besace de la terre et de l’herbe, Kusid retourna chez les siens qui furent très contents d’entendre tout ce qu’il leur raconta. Puis Kusid leur montra l’eau, la terre et l’herbe qu’il avait rapportées.

Ils humèrent  la terre et  ils furent convaincus qu’elle était excellente, l’eau était douce, et l’herbe était comme Kusid leur décrivait. Árpàd, le chef des sept tribus, en présence de tout le monde, remplit son cor de l’eau du Danube et demanda la grâce du Seigneur tout puissant pour que celui-ci leur cède définitivement cette terre fertile. Quand il termina son discours, les Hongrois crièrent trois fois: «Seigneur! Seigneur! Seigneur!» Les Hongrois gardent encore aujourd’hui cette habitude.

Ils décidèrent ensemble de renvoyer l’ambassadeur chez Svatopluk avec un beau cheval équipé d’une selle d’or et d’une bride en or en échange de la terre. Quand Svatopluk le vit, il fut encore plus heureux que lors de la première visite de l’ambassadeur car il pensait que ce cadeau venait de la part des nouveaux cultivateurs en échange de la terre. L’ambassadeur demanda donc de la terre, de l’herbe et de l’eau à Svatopluk qui lui répondit avec le sourire qu’il en prenne autant qu’il voulait.

L’ambassadeur retourna chez les siens. Entre-temps, Árpàd et les chefs des sept tribus, rentrèrent en Pannonie3 non pas en tant qu’invités mais comme ceux qui détenaient la terre par héritage. Ils envoyèrent un deuxième ambassadeur chez le Prince Svatoplouk avec le message suivant:

«Árpàd et son peuple te font dire que tu ne restes  plus sur la terre qu’ils t’ont achetée pour un cheval, l’herbe pour une bride et l’eau pour une selle. Puisque tu étais à la fois dans le besoin et cupide, tu leur as cédé la terre, l’herbe et l’eau.»

Quand Svatoplouk entendit le message, il répondit en souriant:

«Que l’on abatte le cheval avec un maillet, que l’on jette la bride au champ et la selle d’or dans le Danube.»

L’ambassadeur répondit ainsi:

«Qu’avons-nous à perdre avec cela? Si tu tues le cheval, tu donneras à manger à nos chiens, si tu jettes la bride dans l’herbe, nos faucheurs vont tomber sur la bride en or, si tu jettes la serre d’or, nos pêcheurs vont la retrouver et vont l’emporter chez eux. Donc si la terre, l’herbe et l’eau sont à nous, tout est à nous.»

En entendant ces paroles, le Prince mobilisa vite son armée. Ayant peur des Hongrois, il demanda de l’aide de ses amis. Quand les troupes se furent regroupées, ils allèrent voir les Hongrois qui arrivaient entre-temps au bord du Danube. A l’aube, sur un champ magnifique, la bataille éclata. Avec l’aide du Seigneur, les Hongrois mirent l’ennemi en déroute. Jusqu’au Danube les Hongrois poursuivirent Svatopluk qui, étant pris de peur, se jeta dans le fleuve et fut emporté par le courant rapide. Le Seigneur rendit ainsi aux Hongrois la Pannonie.


1 L’un des chefs de sept tribus des Magyars
2 Prince de Grande-Moravie (870-894)
3 La Pannonie est une ancienne région de l’Europe centrale située à l’emplacement de l’actuelle Hongrie, partiellement de la Croatie, de la Serbie, de la Bosnie-Herzégovine, de la Slovénie, de l’Autriche et de la Slovaquie

samedi 8 novembre 2014

Que peut supporter le grain de blé?

                                                                                                                                                  

Il était une fois, dans une lointaine contrée, un jeune homme qui était très pauvre malgré les nombreuses années de service passées chez un vieillard aux cheveux blancs. Un jour celui-ci dit au jeune homme:

«Ecoute-moi, fiston! J’ai toujours  été content de ton travail mais il est temps que tu deviennes ton propre maître et que tu fondes une famille. Viens, je vais te donner ton salaire.»

Le vieillard aux cheveux blancs lui donna un cor et lui demanda de ne pas ouvrir  le couvercle avant qu’il ne se marie.

Le jeune homme ne pouvait pas imaginer ce qu’il y avait dedans mais il le remercia poliment et prit le chemin du retour.  Après avoir marché des kilomètres et des kilomètres, une forte curiosité le titilla pour savoir ce qu’il pouvait bien y avoir dans le cor. Il força le couvercle jusqu’à ce qu’il s’ouvre. Mais il le regretta aussitôt car un grand troupeau de bœufs en sortit. L’un courait par-ci, l’autre courait par-là et le jeune homme ne savait plus où donner de la tête. Quoiqu’il fasse, il n’arrivait pas à rassembler les bœufs.

«Ah, pauvre de moi! Au lieu d’ouvrir le couvercle, il aurait mieux valu que le diable m’emporte!» se dit-il furieusement.
«Je suis là!» cria le diable et se mit à côté du jeune homme.
«Hé, là, ne sois pas si pressé, je suis bien là, moi aussi!» dit le jeune homme et il saisit le lobe de l’oreille du diable.
«Mais ne gesticule pas comme ça sinon je te transforme immédiatement en statue de sel. Tu resteras planté là comme une souche jusqu’à ton dernier jour», menaça le diable.
Le jeune était un peu intimidé et commença à supplier le diable de l’aider à rassembler le troupeau.
«Je ne ferai pas un seul geste gratuitement», répondit le diable.
«Que demandes-tu pour ton aide?» demanda le jeune homme.
«Que tu me donnes ton épouse après les noces», répondit le diable.
Tant pis, se dit-il, d’ici là beaucoup d’eau aura coulé dans le Mureş, je vais bien trouver une idée quelconque pour m’en sortir.
«Marché conclu!» dit-il au diable.

Ils échangèrent une poignée de main, puis le diable prit le cor, referma son couvercle et aussitôt le troupeau se retira à l’intérieur du cor.

«Ça alors, j’aurais pu deviner cela, moi aussi», grommela le jeune homme. Mais il n’y avait rien à faire, le marché était déjà conclu.

Bientôt il regretta encore plus d’avoir adressé la parole au diable car il tomba amoureux d’une belle jeune fille qui, par-dessus le marché, était très adroite de ses mains. Le jour de noces il n’était pas de bonne humeur parce que l’idée de donner son épouse bien aimée au diable trottait  dans sa tête. Quand les invités furent partis, il ramassa les morceaux de brioche et parsema les miettes sur le seuil.

«Je vous laisse à ma place pour que vous montiez la garde. Ne laissez personne entrer!» dit le jeune aux miettes, et il alla se coucher.
A minuit, le diable arriva, frappa à la porte et dit:
«Ouvre vite la porte!»

C’étaient les miettes qui répondirent à la place du jeune marié.

«Ici il ne rente que celui qui supporte tout ce que nous avons traversé!» dirent-elles.
«Et alors, de quoi s’agit-il?» demanda le diable.
Source: kemencehazak.hu 

«C’est une longue série de péripéties que nous devons te raconter fidèlement… D’abord on nous a semées dans la terre, ensuite on nous a ratissées avec une herse aux dents de fer. Certaines d’entre nous ont pourri, d’autres ont levé. Le soleil nous a brûlées, le gel nous a fait mal, la pluie nous a frappées, le vent nous a secouées. On nous a coupées avec une faux, entre deux meules on nous a broyées, et deux mains bien fortes nous ont pétries. Ensuite on nous a jetées dans un four bien chauffé, on nous a cuites, puis avec un couteau bien affûté on nous a  coupées en tranches fines.» répondirent les miettes de brioche.

«Aïe!» s’écria le diable et un frisson glacé lui parcourut l’échine.
«C’est ainsi! Voudrais-tu refaire notre parcours?» demandèrent les morceaux de brioche.

Mais le diable ne les entendit même plus, on ne retrouva plus sa trace. Il se volatilisa comme s’il n’était jamais passé par là. Il se peut qu’il coure même encore aujourd’hui.

Le jeune homme s’endormit tranquillement, et il vit paisiblement si par hasard il n’est pas mort entre-temps.

vendredi 3 octobre 2014

L’histoire de la profondeur du puits

Source de l'image:gocsej.celodin.hu

Un beau jour, les hommes d’un village creusèrent un puits, mais ils ne savaient pas comment mesurer sa profondeur bien qu’ils aient très envie de la connaître. Ils se réunirent pour se concerter. L’un d’eux se leva, et dit qu’avec leur tête imbécile, ils n’arriveraient pas à trouver la solution et qu’il fallait faire venir un maître en la matière, c’est-à-dire un homme intelligent. C’est lui qui dirait comment mesurer la profondeur exacte du puits creusé.

«Il a raison, il a raison», crièrent les autres. «Un maître ne peut être qu’un homme intelligent, il le saura à coup sûr.»

Un puisatier arriva et se moqua ainsi des villageois:

«Comme vous êtes bêtes, vous tous ! Vous ne savez même pas comment il faut mesurer la profondeur d’un puits. Rassemblez dix hommes de grande taille comme je le suis moi-même. Ensuite il faudra mettre un gourdin sur le rebord du puits, je vais m’y accrocher et vous autres allez venir l’un après l’autre. Un homme va descendre en s’accrochant à mes jambes pour saisir mes pieds, le suivant descendra accroché aux jambes du précédent et saisira ses pieds. Ainsi dix hommes vont se cramponner l’un à l’autre. Comme ça, à un moment donné, nous serons tous descendus dans le fond du puits et nous saurons quelle est sa profondeur.»

Ainsi firent-ils.

Quand il y eut déjà cinq hommes accrochés l’un à l’autre, le puisatier trouva qu’ils étaient bien lourds et cria:

«Messieurs! Permettez-moi de me cracher dans les mains!»

Le puisatier n’attendit pas la réponse, il agit. Mais ce faisant, il avait dû lâcher le gourdin. Patatras! ils tombèrent tous dans le puits.
Voilà comment on a mesuré la profondeur du puits à Kustànszeg. 1

1 Village en Transdanubie, dans le comitat de Zala

vendredi 5 septembre 2014

Le château fort de Becko

Source :slovakia.travel


Le château de Becko s’élevait au sommet d’un rocher si haut que même un oiseau s’épuisa quand il s’y envolait. Il est vrai aussi qu’il n’y avait qu’un seigneur aussi puissant que le voïvode1 Stibor qui avait pu le faire bâtir. Il ne l’avait pas fait construire pour lui-même mais pour le bouffon de sa cour. Celui-ci s’appelait Becko.

Dans la jolie vallée de la rivière Váh2, le voïvode Stibor se comportait comme s’il était un roi, un vrai roi: il était propriétaire des champs et des forêts, peut-être même du ciel qui s’étalait au-dessus. L’homme préféré de ce grand seigneur était Becko, le bouffon.

Un jour, Stibor organisa une grande chasse. Tout le monde y participa. Dans la forêt, le vacarme des cors, des rabatteurs et les aboiements des chiens de chasse retentissaient. Á vrai dire, ce jour-là, Stibor était de bonne humeur. Après la sieste qui suivit la chasse, il appela son bouffon:

«Eh bien Becko, tu peux souhaiter tout ce que tu veux, je te le donnerai.
-Je ne crois pas. Tu promets, mais tu ne donnes jamais rien», répondit brièvement le bouffon.
«C’est incroyable! Jusqu’ici personne n’a osé me parler comme ça! Demande-moi vite quelque chose sinon je vais te faire empaler tout de suite!
-Tu peux trouver des têtes bien plus légères que la mienne! Regarde plutôt là-bas, en face, tu vois le rocher qui est très haut?» dit le bouffon.
«Je le vois, bouffon, je le vois!»  dit le voïvode.
« Si tu le vois, tant mieux. Fais-moi construire un château fort au sommet de ce rocher. Mais j’en voudrais un, tel qui n’ait pas son pareil dans le pays», répondit Becko.
«D’accord, Becko! Serrons-nous la main, et cochon qui s’en dédit! D’ici un an, le château fort sera construit et portera ton nom.»

Les chasseurs et ceux qui entouraient le voïvode, étaient tous ahuris. Le rocher était si haut que les gens avaient le vertige rien qu’en le regardant.

«Il est impossible de construire un château fort là-haut», dirent-ils.

Mais ce que le voïvode Stibor avait promis, il fallait que ce soit accompli quoi qu’il arrive. Il est vrai que pour lui, tout était plus facile que pour les autres. Il n’obligea pas seulement ses serfs à travailler à sa construction mais même un simple voyageur qui passait par là, fut arrêté et dut y porter des pierres pendant une semaine entière. Il employa également une ruse avec ses grands seigneurs: il les accompagna au sommet, et tout au long de la semaine il les régala de bonnes nourritures pendant que leurs serviteurs travaillaient à la construction. Quand la semaine fut terminée, il les laissa partir.

Ainsi fit-il bâtir le château de Becko. Á la date promise, il fut achevé. Il était si beau que les gens des pays lointains arrivèrent pour le voir et l’admirer. Il plaisait beaucoup au voïvode Stibor à tel point qu’après avoir fait un tour dans ses pièces de toute beauté, il dit au bouffon:

«Idiot que tu es, écoute-moi! Ce château est trop beau pour toi! Je te fais une proposition.»
«Vas-y, je t’écoute!» répondit le bouffon.
«Je t’offre un autre château en échange de celui-ci et autant de pièces d’or que tu le souhaites, mais cède-le-moi, je t’en supplie», dit Stibor.
«D’accord! Serrons-nous la main, et cochon qui s’en dédit! Marché conclu!» dit le bouffon.

A partir de ce jour, Stibor habita là, ses hôtes, arrivés des quatre coins du monde, y étaient accueillis. Il partait de là en guerre et à la chasse, et quand il était de retour, il faisait une si grande fête que la nouvelle se répandait partout, même dans les pays lointains. Mais il ne put pas s’émerveiller longtemps du château.
Un jour, l’un des vieux serviteurs de Stibor frappa le chien de chasse préféré du voïvode. Quand celui-ci le vit, il se mit dans une terrible colère contre son serviteur. Celui-ci le supplia de ne pas être puni mais il n’y avait rien à faire, Stibor le fit jeter dans le précipice le plus profond du château fort. Avant de tomber, le vieux serviteur s’écria:

«Attends, Stibor, toi qui es sans cœur! D’ici un an, tu me suivras devant le Juge éternel!»

Stibor rit bien des paroles du vieillard et les oublia tout de suite. Un an après, jour pour jour, il avait des invités et les paroles menaçantes de son serviteur lui revinrent à l’esprit.

«Eh, des paroles insensées!» se dit-il.
«Mes amis! Trinquons!» s’écria-t-il.

Il en fut ainsi. Stibor buvait beaucoup de boissons alcoolisées qui lui donnèrent le vertige. Il en était effrayé car cela ne lui était jamais arrivé. Il sortit dans le parc pour que le vent doux de la nuit dissipe son ivresse. Il se coucha sur le gazon près d’un buisson et regarda la voûte étoilée. Mais, Seigneur, qu’arriva-t-il! Deux serpents sortirent du buisson, ils sinuèrent autour de la tête de Stibor, et lui crevèrent les yeux. Celui-ci poussa des cris comme un animal sauvage et courut comme un fou: passant par le parc, il traversa la cour, il monta ensuite au plus haut de son château, comme son vieux serviteur il y a un an. Stibor fit une chute dans l’abîme au même endroit que son domestique.

C’est ainsi que la vie du voïvode Stibor se termina. Sa femme est en deuil aujourd’hui encore, assise sur un petit rocher en-dessous du château fort.

1 le voïvode : le commandant d’une région militaire
2 le Váh est la plus longue rivière de la Slovaquie

vendredi 13 juin 2014

La sorcière au nez de fer

Conte imaginé par Béla Tanko

Il était une fois un pauvre bûcheron. Il était tellement pauvre qu’il n’avait que la peau sur les os. Lui-même était déjà maigre, mais alors ses enfants ! Seigneur ! Ses enfants, non seulement n’avaient que la peau sur les os mais ils tombaient dès que la moindre brise soufflait.
Le pauvre bûcheron avait un chagrin immense, et son cœur se brisait à cause de ses nombreux enfants qui restaient souvent sur leur faim. Ils étaient aussi nombreux qu’il y a de trous dans une passoire. Alors, un beau jour, il se décida à mettre sa hache sur son épaule, il ne dit rien aux siens et s’en alla. Il ne savait pas où il allait, mais il avait la ferme intention de ne pas prendre de repos tant que son sort ne se serait pas amélioré. Il marcha, chemina par monts et par vaux jusqu’à ce qu’il arrive dans une forêt. La nuit tombait déjà, mais il ne s’arrêta pas. La forêt était immense, elle n’en finissait pas. "Cela m’est égal, pensa-t-il, je continue même si je dois aller jusqu’au bout du monde."

Tout à coup, il aperçut une faible lumière. Il s’arrêta, puis il continua son chemin dans la direction de la lumière. Il avança, et bientôt il se retrouva devant une maisonnette d’où la lumière venait. Il entra sans hésitation dans la petite maison. "Pas de regrets, pas même si le diable y habite, pensa-t-il, je rentre quand même." Mais il n’y trouva pas le moindre chat. La table a été joliment mise, il y avait des tas de bonnes choses à boire et à manger. Le lit aussi avait été  bien fait, mais il ne trouva pas âme qui vive dans la maisonnette.

"S’il n’y a personne, alors il n’y a personne", pensa-t-il. Il s’installa à table et mangea tant qu’il pouvait. Il voulait se rassasier au moins une fois dans la vie. Il mangea comme quatre !

Il avait encore une pipe de tabac, il l’alluma et fuma comme une cheminée. Tout à coup, il aperçut un grand chat noir assis devant lui sur la table! Il en fut très étonné, il n’arrivait pas à imaginer d’où sortait cette vilaine bête qui était laide comme un pou.
Le pauvre homme pensa la chasser, mais quand il songea à le faire, le chat n’était plus sur la table. Il avait disparu comme par enchantement.

"Ça alors, je n’ai jamais rien vu de pareil! Je ne l’ai pas vu arriver, je ne l’ai pas vu partir! Dieu seul le sait où je suis arrivé! C’est de la sorcellerie!" se dit-il.
«Tu as deviné juste, pauvre homme», dit une voix.

Sur ce, le pauvre homme eut vraiment peur. Devant lui il y avait une vieille femme laide, au nez de fer si long que celui-ci atteignait le sol. La terre résonnait chaque fois qu’elle frappait son nez avec le sol.
Le pauvre homme eut peur. Non seulement il n’avait pas vu arriver la vieille femme, de plus, elle devinait même ses pensées.

«Très bien, très bien, tu es venu dans ma maison, tu es venu au bon endroit, pauvre de toi. Je suis la sorcière au nez de fer, la mère du roi des diables. Mon fils va rentrer et il t’emportera en enfer», dit-elle.

Le pauvre homme s’agenouilla et supplia la vieille sorcière de lui laisser la vie sauve par pitié pour ses enfants qui resteraient sans parents et sans nourriture.

«D’accord, tu peux éviter l’enfer à condition que tu m’emmènes, moi aussi, dans ta maison. Tu vas m’épouser et tu verras, tu auras une belle vie. Je serai une bonne mère pour tes enfants, je serai aux petits soins pour eux», dit-elle.

Le pauvre homme fut tellement effrayé qu’il faillit tomber à la renverse. Il ne pouvait plus rien faire. Il dut consentir à emmener la vieille au nez de fer chez lui. Ils remplirent un grand sac de bonne nourriture, puis ils bourrèrent deux autres sacs avec de l’or et de l’argent. Ils les chargèrent le dos d’un âne, puis ils prirent la route du village.
Après une journée de marche, ils s’arrêtèrent dans la clairière d’une forêt pour boire, manger et se reposer. Le bon vin fit tourner la tête de la vieille dame. Le pauvre homme ne se le fit pas dire deux fois, il saisit sa hache et frappa la sorcière sur le nez qui se cassa en deux aussitôt. Elle hurla et ne put plus bouger puisqu’elle avait perdu toute sa force qui se trouvait dans son nez. Après ce coup terrible, le nez raisonna si fort que toute la forêt, et même l’enfer en furent ébranlés.
«Oh là là! Quelqu’un vient de casser le nez de ma mère. Je dois l’attraper!» s’écria le roi des diables.
Il sortit précipitamment de l’enfer comme s’il avait perdu la vue. Entre-temps, le pauvre homme qui ne restait pas inactif, enleva les sacs d’or et d’argent qui étaient sur le dos de l’âne et prit ses jambes à son cou pour rentrer à la maison au plus vite. Il entendit crier le roi des diables:

«Regarde derrière toi, pauvre homme ! Regarde derrière toi, tu ne le regretteras pas!»

Mais il ne perdit pas la raison, et il ne regarda pas derrière lui. Le roi des diables l’attrapa juste au moment où il rentrait dans la cour de sa maison.

«Hop-là! Ça y est ! Enfin, je t’ai eu, toi, malfaiteur! Tu mourras d’une mort terrible!» dit le roi des diables.
«Lâche-moi car dans cette cour c’est moi qui suis le maître!» répondit le pauvre homme.

Mais le roi ne le lâcha pas, au contraire, il le retint avec force.
Attirés par les cris, tous les enfants du pauvre homme sortirent de la maison. Ils furent heureux de revoir leur père et crurent que celui-ci apportait le diable pour le manger. Ils hurlèrent à pleins poumons :
«A moi le diable! A moi!»

Le diable fut effrayé. Il n’avait jamais vu un père avec autant d’enfants et trouva que c’était loin d’être une plaisanterie. Il se voyait déjà dévoré par tant de bouches affamées.
Ce fut à son tour de supplier le pauvre homme de lui laisser la vie.

«Va-t’en! Que Dieu te bénisse!» lui dit le pauvre homme.

Le roi des diables courut autant qu’il pouvait, il n’osa plus regarder en arrière. Pourtant le pauvre homme criait:
«Regarde derrière toi, diable! Regarde derrière toi, diable! Tu ne le regretteras pas!»

Grâce aux sacs d’or et d’argent, le pauvre homme devint riche et il vit heureux comme poisson dans l’eau avec ses enfants.



vendredi 16 mai 2014

Le tzigane qui scie la branche sur laquelle il est assis

Source: www.nemztisegek.hu

Un tzigane alla dans la forêt et grimpa sur une branche. Il coupa la branche sur laquelle il était assis. Le garde forestier entendit le bruit et alla voir qui osait couper du bois. Quand il arriva au pied de l’arbre, il vit le tzigane couper la branche au faîte de l’arbre. Il lui dit:

«Que fais-tu là-bas, tzigane?
-Je coupe du bois», répondit-il.
«Tu vas tomber, je te préviens!» répliqua le garde forestier.

Quelques instants plus tard, le tzigane tomba avec un bruit sourd.

«Alors, tu es Dieu! Comment savais-tu que je tomberais?» demanda le tzigane au garde forestier.

Le tzigane avait un cheval maigre qui tirait sa charrette. Il la chargea des branches et du bois qu’il ramassait ici et là.

«Alors, si tu es Dieu, dis-moi quand est-ce que je vais mourir?» lança le tzigane.
«Quand ton cheval pétera trois fois», répondit le garde forestier.

Il y avait de la boue partout parce qu’il pleuvait abondamment. Le tzigane aurait voulu faire avancer son cheval plus vite mais les roues de la charrette se mirent en travers du chemin de terre boueux. Le cheval péta une fois mais le tzigane insista et frappa la bête. Il fallait passer par une montée pour atteindre la grand-route. Quand ils y arrivèrent, le tzigane frappa son cheval qui lâcha un énorme pet.

«Il n’en faut plus qu’une et le compte sera bon», se dit le tzigane.

Il se coucha par terre sur la grand-route pour ne pas mourir debout. Il voulait mourir couché pour éviter de se cogner en tombant. Un motard arriva et klaxonna mais le tzigane resta immobile. Il ne leva même pas la tête. Quand le motard vit que le tzigane ne bougeait pas, il s’arrêta pour ne pas écraser le cheval et le tzigane.

«Lève-toi, tzigane!» dit-il.
«Ne parlez pas à un mort», répondit le tzigane.
«Est-il mort celui qui parle?» se dit le motard qui avait une baguette sur lui. Il en tapa bien fort sur le tzigane qui constata que c’était loin d’être une plaisanterie et qui bondit comme un diable hors de sa boîte. Il y avait une meule de foin près de la route. Il pleuvait à verse et pour se mettre à l’abri, il se cacha dans la meule.

«Alors, se dit-il, je cache ma tête dans la meule, cela n’est pas grave si un éclair touche mes fesses.»
Mais il y avait un autre homme de l’autre côté de la meule.  Il se tourna vers le tzigane et avec sa baguette il tapa autant qu’il pouvait sur les fesses du tzigane.

«Dis donc, mon Dieu, je n’ai pas dit ce que je viens de dire pour que tu le fasses aussitôt», dit le tzigane.
Il sortit de la meule et rentra à la maison avec son cheval, avec sa charrette chargée de peu de bois. S’il n’était pas sorti de la meule, il y serait toujours.

vendredi 11 avril 2014

Le petit menteur

Conte imaginé par Daniel Craymer(9ans)

Comme je suis né avant ma mère, mon père, pour se préparer à ses propres noces, m’envoya au moulin pour faire scier la farine.

Je mis mes bœufs sur une voiture à cheval et j’attelai les sacs de blé au timon. Quand les sacs arrivèrent au moulin, ils virent que celui-ci était allé au café. Je plantai mon fouet dans le sol et j’allai chercher le moulin. Je le retrouvai au bord d’une rivière, il était en train de manger son casse-croûte au lard. Je lui donnai un coup de gourdin. Pour me rassurer, il se mit à forger la farine.

Pendant ce temps, un arbre poussant de mon gourdin, arriva jusqu’au ciel. Je cherchai autour de cet arbre mes bœufs qui étaient déjà grimpés à sa cime. Je les suivis, mais, Seigneur Dieu, il y avait mille étourneaux sur ses branches. Je les mis dans ma chemise et ils s’envolèrent avec moi. Quand nous volâmes au-dessus du Maros1, les femmes qui y lavaient leur linge, furent étonnées:
«Oh là là! Quel grand oiseau!» s’exclamèrent-elles.

Je crus comprendre que je devais desserrer mon pantalon. Ce fut fait. Les étourneaux s’échappèrent de sous ma chemise, moi par contre, je tombais vers le sol. J’avais sur moi une demie poignée de son, j’en torsadai vite une corde, ainsi je pus descendre plus doucement. Mais une souris rongea la corde. Je tombai dans le Maros. Des poissons en sortirent en si grande quantité que douze chars à bœufs ne pouvaient pas les porter. Un enfant tzigane mit les poissons dans les poches de son manteau et partit en courant.

Je m’extirpai du Maros en me tirant par les cheveux. Le temps que j’atteigne la berge de la rivière, j’avais perdu ma tête. Comment pourrais-je vivre sans elle? Sur quoi mettrai-je mon chapeau? J’en fabriquai vite une avec la boue. Heureusement parce que mon père me recherchait partout. Nous emportâmes la farine à la maison pour en faire la pâte du strudel2.
A ce moment-là, j’eus très faim. Dans notre cour, des chevaux pétrissaient de la pâte avec des œufs de moineau pour en faire des épis de maïs. Je cassai moi-même un œuf. Les moineaux qui se trouvaient sur le bord, étaient en train de picorer  la coquille. Par malheur, je fis tomber dans l’œuf mon couteau. Comment pourrais-je le récupérer? J’arrachai mes sourcils pour en faire une échelle et je mis trois jours pour descendre. J’étais très malheureux, je pleurais la perte de mon couteau. Jusque tard dans la soirée j’errai au fond de l’œuf de moineau. Un hussard sans cheval s’approcha de moi. Il me consola en disant que lui, il cherchait depuis une semaine son cheval qui était parti pour paître dans l’œuf.

Alors mon père, étant très impatient, me fit dire par la fourche qu’il fallait que j’aille tout de suite chercher du vin au puits à balancier. Je sellai le cheval aubère, je montai sur le gris et je galopai sur le jaune. Le soir, je laissai paître la selle, je donnai à boire à la bride, et pour avoir un oreiller, je fourrai sous ma tête le cheval jaune.

Quand je fus réveillé, j’avais de nouveau faim. Je grimpai à l’arbre à concombre, et en le secouant je fis tomber tant de pommes de terre que beaucoup de carottes, de radis et de noisettes en tombèrent. Les écureuils arrivèrent et mangèrent ce que je voulais manger, moi-même. J’attrapai un écureuil par la queue. Son saut fut si grand qu’il me lança jusqu’au ciel étoilé où je n’étais jamais allé. Je me suis dit que puisque l’occasion se présentait, j’irai voir la femme de mon frère aîné. Elle était en plein travail. Elle raccommodait le fond du chaudron à confiture à l’aide de la flèche de l’église. Elle se réjouit de mon arrivée et en signe de reconnaissance, elle m’invita à manger une omelette qu’elle me jeta sur le dos. Elle la prépara avec des œufs de moustiques. Le reste que je ne pouvais pas manger, elle le tartina sur mes cheveux.

A peine eus-je fait un tour que je sentais déjà l’odeur des galettes au fromage blanc qui se préparaient en bas. Sept tailleurs affûtèrent le vêtement du marié qui faisait des étincelles partout.
La brioche fut taillée avec une bêche, le gâteau au chocolat caramélisé fut goudronné, les boulettes aux prunes furent rasées avec une hache qui avait couvé neuf petits.

J’eus très envie de partir puisque j’étais si attendu en bas que je risquais d’être oublié depuis longtemps. Je ramassai les moutons du ciel et j’en fis une échelle. Quand je mis mes pieds sur la terre, mon père était en train de dormir. Il était si en colère qu’il faillit mourir de rire. Il se demandait où j’étais passé depuis si longtemps puisque ma mère venait de naître. Il m’envoya chercher de l’eau pour un bain à la Tisza. Ce fut un été très chaud, l’eau de la rivière était gelée. J’ôtai ma tête pour en casser la glace, et je puisai de l’eau avec un tamis dans un sceau sans fond. Midi sonnait à minuit quand je rentrai à la maison où la fête des noces battait son plein, et je me mis à danser. Dans un coin de la pièce, le Danube, la Tisza, la Drave et la Save étaient ensachés, une ficelle leur servait d’appui avec une poignée de porte en bois sur chaque sac. Les musiciens jouèrent de la cithare de la musique de danse qui n’était autre que le chant des grillons. Quand j’arrivai au milieu des danseurs, je m’endormis. Mes éperons découpèrent les sacs du Danube, de la Tisza, de la Drave et de la Save et l’eau emporta la noce.

Je courus chez l’accoucheuse pour qu’elle me brode un crochet en forme de deux bras. Je traînai les noyés par leur nez. Depuis ce jour tout le monde a deux trous dans le nez.

Si vous ne me croyez pas, vérifiez par vous-même.


1 Le Maros est une rivière de 725 km de long environ. Il prend sa source est dans les Carpates Orientales en Roumanie. C’est un sous-affluent du Danube. Il rejoint la Tisza à Szeged, dans le sud-est de la Hongrie.
2 Spécialité pâtissière d’Europe centrale



vendredi 14 mars 2014

Mon bonhomme, parlez plus raisonnablement!


source:www.kedd.hu

Cela s'est passé à l'époque du roi Mathias, quand les plaideurs se parlaient ainsi: "Je ne vous laisserai pas tranquille dans cette affaire, s'il faut, j'irai voir le roi, lui-même!"

Il s'est passé donc que deux voisins sicules se sont fâchés pour le fait que l'un avait jeté du fumier sur la nouvelle clôture d'osier de son voisin. Non seulement la clôture de celui-ci avait pourri mais son chien avait mordu les fesses du cochon du voisin qui se faufila par la clôture.

Les deux voisins sicules se querellèrent pendant longtemps sans que justice soit rendu à l'un et l'autre. Le voisin qui avait subi les deux  préjudices décida d'aller voir le roi Mathias et de lui adresser sa plainte.

Ce fut ainsi. Il raconta son cas au roi Mathias qui lui répondit:

«Mon bonhomme, parlez plus clairement, plus raisonnablement parce que je n'ai pas bien compris votre histoire.»

Alors le sicule reprit l'histoire dès le début comme suit:

«Majesté! Disons que j'ai un voisin. J'ai monté une clôture d'osier mais mon voisin a jeté son fumier là-dessus, par conséquent la clôture a pourri. Supposons maintenant que je sois le cochon, Votre Majesté est le chien. Je me faufile par la clôture pourrie, et Votre Majesté mord dans mes fesses!»

vendredi 7 mars 2014

Les miracles de Saint Ladislas

Simone Martini: Saint Ladilas  

Le roi Saint Ladislas livra bataille aux Russes quand il arriva avec ses soldats à des contrées riantes où ils ne rencontrèrent ni d'êtres humains, ni d'animaux.

Quand le roi constata que ses soldats n'avaient rien à manger, il se mit à l'écart, s'agenouilla et supplia le Seigneur.

Le Seigneur écouta ses prières et quand Saint Ladislas se leva, un miracle se produisit instantanément. Une grande troupe de cerfs, de chevreuils et de buffles s'approcha dans la steppe.

Les soldats furent étonnés de voir l'arrivée silencieuse des bêtes. Ils remercièrent tout de suite le Seigneur et le roi également.

Un autre jour, près de Döbröd, les soldats souffrirent la soif dévorante. Ils avaient soif à tel point qu'ils commencèrent à crier.

Même le chef des Tatars entendit leurs cris désespérés et demanda le roi à un ton narquois:

«Pourquoi pleurent-ils tellement tes soldats?
-Parce qu'ils veulent affronter tes soldats», répondit Saint Ladislas.

Avant la bataille, le roi fit sa prière au Seigneur afin que celui-ci revigore ses soldats assoiffés.

Le Seigneur écouta à nouveau ses implorations. Sur les traces de son fer à cheval un filet d'eau jaillit et se transforma en source abondante.

Cette eau fraîche revigora les soldats. La source ne s'épuisa jamais, et les gens même aujourd'hui l'appellent le puits de Saint Ladislas.

vendredi 28 février 2014

Je ne te crois plus!


Conte imaginé par Endre Stankowsky



Il était une fois à l'autre bout du monde, au-delà de tous les océans, un pauvre homme qui avait trois fils.
Un jour, le roi de ce pays lointain fit annoncer dans tout le pays qu'il donnerait sa fille à celui qui saurait dire quelque chose qu'il ne pourrait pas croire.
Pierre, le fils aîné du pauvre homme, entendit cette annonce. Il prit son courage à deux mains et se rendit au château. Il s'adressa à un serviteur lui disant qu'il voulait parler au roi.
Le roi devina tout de suite l’intention du jeune homme et donna l'ordre de le faire entrer sur le champ.
Pourtant avant Pierre, il était venu des princes charmants aussi nombreux que les étoiles dans le ciel ou les brins d'herbe dans un champ! Ils avaient tous voulu épouser la fille du roi, mais leur tentatives avaient été vaines! Tout ce qu'ils avaient pu dire était tout à fait crédible et le roi n'avait donc pas été surpris par leurs propos.

Pierre entra donc chez le roi, et le salua:

«Bonjour, mon Roi!
-Bonjour, à toi aussi, mon fils. Qu'est-ce qui t'amène ici!
-Eh bien, je veux me marier, mon Roi.
-C'est très bien, mon fils, mais où iras-tu avec ta femme?
-Seul le Bon Dieu le sait. Je finirai par me débrouiller d'une manière et d'une autre... Mon père a une petite maison ainsi qu'un bout de terrain.
-Je te crois, dit le roi.
-En plus, nous avons trois boeufs.
-Je te crois.
-Il n'y a pas longtemps, dans notre cour, tant de fumier s'accumula que nous manquions de place.
-Je te crois.

Un jour notre père nous a dit:"Mes fils, jetez le fumier sur notre bout de terrain, peut être cela lui fera-t-il du bien."
-Je te crois.
-Avec mes frères, nous avons sorti le fumier pendant trois semaines sur deux chariots.
-Je te crois.
-Mais par erreur nous avons déposé tout fumier sur le terrain du voisin.
-Je te crois.
-Après être rentré à la maison, j'ai tout raconté à mon père.
-Je te crois.
-Alors mon père, mes deux frères et moi, nous sommes allés voir notre terre.
-Je te crois.
-Nous avons pris les quatre coins du terrain du voisin, nous les avons soulevés comme on a l'habitude de le faire avec une nappe, et nous avons renversé le fumier sur notre terrain.
-Je te crois.
-Ensuite nous avons semé du gazon.
-Je te crois.
-Une belle forêt y a poussé. Mon père aurait regretté de faire couper les beaux arbres, donc il a acheté un troupeau de cochon.
-Je te crois.
-Ensuite il a engagé le grand père de Votre majesté comme porcher...
-Menteur! Cela n'est plus vrai! s'écria le roi qui était prêt à le faire pendre.»

Mais il s'arrêta brusquement car son offre lui revint à l'esprit et il venait de se rendre compte qu'il avait perdu son pari.
Il fit appeler le prêtre immédiatement pour bénir l'union du fils du pauvre homme avec sa fille.
Il y eut un grand repas de noces dont la nouvelle se répandit dans sept pays. Tout le monde fut bien servi dans tout le royaume.
On donna même à un orphelin un bout de brioche gros comme mon bras. Il y eut de la viande, du pot-au-feu en si grande quantité que tous les chiens du royaume s'en remplirent le ventre.


vendredi 21 février 2014

La femme intelligente du roi Mathias

Conte imaginé par Esztelle Kis (12 ans)




Un jour, le roi Mathias alla voir les moissonneurs qui travaillaient dans les champs. Deux d'entre eux se précipitèrent à la rencontre du roi pour lui dire que la récolte était très faible et elle leur apportera très peu.
Le roi Mathias répondit:

«Vous avez accepté le travail, maintenant continuez-le! Par ailleurs, comment est-ce possible que trois arrivent à nourrir neuf mais neuf n'arrivent pas à nourrir trois?»

Les moissonneurs étaient incapables de répondre. Mathias leur dit:

«Demain je repasserai par là. Si vous ne pouvez pas répondre à ma question, je vous priverai du salaire du travail déjà effectué!»

Le soir les moissonneurs rentèrent chez eux. Personne ne trouva la réponse à la question du roi Mathias. L'un des moissonneurs qui était très triste parce qu'il n'avait pas compris ce que le roi Mathias avait voulu dire, avait une fille. Sa fille voulut savoir la raison du chagrin de son père qui lui dit:

«Diable! Je ne comprends pas la question du roi qui est la suivante:
«Comment est-ce possible que trois arrivent à nourrir neuf mais neuf n'arrivent pas à nourrir trois.»

Sa fille éclata de rire:

«Donc neuf n'arrivent pas à nourrir trois, mais trois arrivent à nourrir neuf. Alors Mai, Juin et Juillet entretiennent les autres mois parce que pendant trois mois la nature produit ce qu'il faut pour toute l'année.»

Lendemain, les hommes allèrent moissonner aux champs. Le roi y arriva, lui aussi et demanda:

«Alors, vous avez deviné la réponse?»

L'un des moissonneurs dit que oui, il l'avait. Mai, Juin et Juillet entretiennent les autres mois. Le roi Mathias dit:

«Ce n'est pas vous qui l'avez devinée! Dites-moi qui vous a aidés?»

Après un long silence, l'un des hommes avoua que c'était sa fille.

«D'accord! C'est bien», dit le roi.

Le lendemain, le roi envoya deux de ses adjudants chez la fille afin qu'ils voient son comportement. Ils lui demandèrent:

«Es-tu seule, ma fille?
-Oui, je suis seule.
-Où est ton père?
-Il est allé dans le village voisin.
-Est-ce qu'il va rentrer rapidement?
-S'il vient directement, il n'est pas sûr d'arriver à la maison mais s'il fait un détour, alors il est sûr et certain qu'il rentrera à la maison.
-Et ta mère, où est-elle?
-Elle est allée chez le voisin.
-Que fait-elle là-bas?
-Ce qu'elle n'a jamais fait, et ne fera plus non plus.
-Alors, ta tante, où est-elle?
-Elle est allée dans la ville pour les autres mille.»

Les adjudants s'en retournèrent dans le palais royal et racontèrent au roi comment la fille s'était comportée. Lendemain, le roi fit atteler les chevaux à la voiture et alla chercher la fille.
Au retour, dans le palais il la fit habiller joliment et lui dit que tout ce qu'elle y voyait, lui appartenait.
Elle fut traitée comme une princesse. Le roi lui dit sincèrement qu'elle pourrait rester dans le palais royal tant qu'elle lui obéirait et tant qu'elle ne donnerait de conseil à personne.
Elle développa ses réponses énigmatiques aux questions des adjudants. Premièrement si son père rentrait directement à la maison, alors il heurterait un arbre. S'il faisait un détour, il rentrerait sain et sauf.
Deuxièmement: sa mère était allée chez le voisin pour habiller en toilette funéraire le défunt. Elle a fait avec le défunt ce qu'elle n'avait jamais fait auparavant et ce qu'elle ne ferait plus non plus par la suite.
Troisièmement: sa tante avait fauté avec le comte. Ella avait déjà reçu deux mille forints, elle allait chercher le troisième mille.

Un jour, pendant que la jeune fille menait la vie de princesse dans le palais royal, le roi se prépara pour aller à l'église en carrosse. Devant le portail du palais, il y avait une grosse meule en travers, le carrosse roula là-dessus, et se cassa immédiatement. Deux gardes étaient là. Le roi Mathias les appela et leur dit:

«Le temps que je rentre, écorchez cette meule, autrement vous serez décapités.»

Les deux gardes étaient très tristes. La princesse les regarda de la fenêtre du deuxième étage. Ils se plaignaient parce que le temps passait et ils n'arrivaient pas à écorcher la meule. La princesse eut pitié d'eux et leur conseilla de dire au roi:

«Majesté! Nous vous prions de saigner la meule, autrement nous ne pouvons pas l'écorcher.»

Le roi arriva à la maison. Il retrouva les deux gardes au même endroit où ils étaient à son départ.

«Je vous ai donné un ordre. Pourquoi vous ne l'avez pas exécuté?» dit le roi.
«Majesté! Parce que vous n'avez pas saigné la meule.
-Bon, d'accord, je sais que cette réponse ne vient pas de vous», dit le roi.

Le roi Mathias monta dans la salle à manger où la princesse était en train de déjeuner. Il lui dit:

«Après le repas, prépare tes affaires! Tu peux emporter tout ce que tu veux, tout ce que tu aimes.»

La princesse savait d'où vinait la mauvaise humeur du roi. Ils finirent le déjeuner. Elle versa de la poudre soporifique dans le vin du roi qui s'endormit rapidement.
Quand il plongea dans le sommeil profond, la princesse fit appeler le cocher et lui demanda d'atteler les chevaux à la voiture. Le cocher obéit et se mit devant le palais royal. Elle fit mettre le roi dans le carrosse et alla chez son père où le roi fut mis dans un lit. Il dormit bien et quand il se réveilla, il fut très étonné. Il se demanda où il était et pourquoi il était là. Il dit à la princesse:

«Pourquoi m'as-tu amené ici? Je n'ai jamais demandé cela!
-Parce que c'est toi que j'aime le plus», lui répondit la princesse.

Le roi en fut très heureux et épousa la fille d'un pauvre moissonneur.

C'est pour cela que le peuple hongrois formula le dicton selon lequel le roi Mathias est mort, la justice est morte avec lui.





vendredi 14 février 2014

Le cheval gris

Conte imaginé par Judit Somogyvàri (17 ans)



Il était une fois un homme pauvre qui avait deux chevaux. Il était charretier. Un beau jour un de ses chevaux creva et l'autre resta seul. La vie lui devint difficile car il tira seul le chariot lourd. Il était vite lassé de ce double travail et un soir quand son maître le détela, il partit comme l'éclair.

«Il est parti, il n'y a rien à faire, il est parti, il reviendra quand il s'ennuiera. Je n'irai pas le chercher», pensa le charretier.

Le cheval courut, courut jusqu'à la grotte du loup où il se coucha devant l'entrée.
Le vieux loup dit à son cadet:

«Va voir le temps dehors!»

Le fils aurait voulu sortir mais il n'arriva pas à cause du cheval gris. Il retourna en courant:

«Dehors, c'est le plein hiver, mon père.

-L'hiver? Comment ferait-il l'hiver quand nous sommes en été?»

Le vieux loup envoya donc son fils aîné:

«Va voir le temps dehors, mon fils!»

Il revint, lui aussi, en courant et dit:

«En effet, il fait l'hiver, mon père, l'entrée est tellement enneigée que je ne peux pas sortir.

-Alors je vais voir moi-même.»

Il fit ainsi et vit qu'un cheval gris était couché à l'entrée. Il était inerte comme s'il était crevé. Le loup tenta de le déplacer mais il ne parvint pas. Enfin, il attacha sa queue à celle du cheval pour le tirer un peu plus loin. Quand il attacha bien fortement les deux queues, le cheval gris sauta et partit comme une flèche.
Il courut jusqu'à la maison. En arrivant, il se mit à hennir.
L'homme sortit de la maison et se réjouit que son cheval ait apporté un loup. Il frappa l'animal à la nuque, l'écorcha, vendit sa peau et acheta un autre cheval. Le cheval gris n'était plus seul et ne tira plus seul le chariot.



(Conte du Nord de la Hongrie)

vendredi 7 février 2014

Jésus et le berger

Conte imaginé par Jàzmin Lupkovics (12ans)

Jésus Christ était encore sur terre et était accompagné partout par Saint Pierre. Ils allaient de ci, de là, dans la puszta. Ils étaient fatigués et avaient faim mais ils ne trouvaient pas une ferme où ils auraient pu entrer. Saint Pierre promena son regard autour de lui et dit:

«Seigneur! Là-bas, je vois une bergerie, allons-y, sûrement nous trouverons âme qui vive.»

Ils marchèrent jusqu’à la bergerie. Un pauvre berger y habitait et gardait les moutons de son maître. Jésus et Saint Pierre le saluèrent et le berger les accueillit de bonne grâce. Il leur proposa de s'installer et ils entamèrent une conversation.

Le Seigneur qui avait très faim dit au berger:

«Alors, mon pauvre homme, donne-nous quelque chose à manger car nous avons très faim.»

Le berger réfléchit. Il n'avait à lui rien qu'un bout de pain sec et un petit agneau. Son maître avait pourtant assez de moutons mais il n'osait pas en tuer un, il avait tellement peur de sa colère. En plus, le bien d'autrui lui était sacré. Il se dit: "Est-ce que je tue mon seul agneau, ou non? Si je le tue, je ne l'aurai plus. Mais avec un seul, je ne vais pas loin, donc je le tue."
Il sortit son couteau, saisit son agneau, le saigna, et en fit un ragoût au paprika.
Quand il fut cuit, Jésus et Saint Pierre se mirent autour du chaudron, ils mangèrent de bon appétit. Le berger attendit qu'ils lui en laissent un peu, car il avait faim, lui aussi. Mais Jésus et Saint Pierre mangèrent tout, ne laissèrent pas une seule bouchée. Quand ils eurent fini de dîner, Jésus dit à Saint Pierre:

«Pierre, va ramasser les os jusqu'au dernier morceau!»

Pierre lui obéit, et Jésus les mit dans une manche de sa pelisse. Au soir, quand le berger s'endormit, Jésus alla à la bergerie, et dispersa les os parmi les moutons. Chaque os se transforma en mouton avec la marque du berger sur la croupe.
Jésus et Saint Pierre quittèrent la bergerie sans avoir dit un traître mot.

Le lendemain matin, quand le berger se leva, il inspecta les moutons dans la bergerie et constata qu'il y avait beaucoup de moutons étrangers dans le troupeau. Trois fois plus que ceux du maître! Ce qui était merveilleux, c'est que tous avaient sa marque sur la croupe.
Il ne pouvait pas imaginer comment cela s'était produit puisqu'il n'avait plus ni mouton, ni gigot:il avait tué son dernier agneau pour ses invités, la veille, au soir.

Il alla chercher ses invités mais il ne trouva que des buissons vides. Alors il comprit que personne d'autre que Dieu seul n'avait pu lui donner les moutons. Il se promit que tant qu'il aurait un kreutzer, il aiderait les nécessiteux autant qu'il le pourrait.

vendredi 31 janvier 2014

L'oeuf de poulain de Rátót




Conte imaginé par Endre Stankowsky
Il était une fois un village qui s'appelait Rátót. Un jour, le garde champêtre du village trouva au champ un immense potiron.

«Alors, Mon Dieu, s'étonna-t-il, qu'est-ce que cela peut bien être?»

Il avait déjà vu dans sa vie des citrouilles longues à cuire dans l'eau mais jamais une qu'il fallait cuire dans le four.

Il le ramassa, le tâta longuement de tous les côtés, ensuite il le sentit. Tout seul, il était incapable de deviner ce que c'était. Il pensa qu'il valait mieux le porter à la Maison communale où les conseillers étaient en train de réunir. Le garde champêtre déposa la citrouille sur la table devant eux. Les braves édiles étaient tous ahuris. Ils la regardèrent pendant longtemps sans rien dire, ensuite ils se regardèrent d'un air interrogatif.

Le conseiller le plus âgé et le plus sage rompit le premier le silence:

«J'ai déjà vu beaucoup de choses mais jamais une telle création du Bon Dieu. Qu'est-ce que cela peut bien être?»

Un autre qui atteignit un grand âge, dit:

«J'ai eu, moi aussi, beaucoup d'avatars mais je n'ai jamais mangé quelque chose de pareil.»

Il se tourna d'un air dubitatif vers son collègue qui était un peu plus jeune que lui. Il dit:

«En ce qui me concerne, je ne suis pas né aujourd'hui, moi non plus, mais je ne sais pas ce que c'est, ce truc bizarre. Mais le juge est là, lui, il doit le savoir.»

Ce fut le tour du juge:

«Alors, mes Chers Compères, comme la forme montre, cela ne peut être qu'un oeuf.»

Sur ce, la lumière se fit subitement dans l'esprit des autres également.

«Bien sûr que c'est un oeuf! Qu'est-ce que cela peut être autre qu'un oeuf!»

Le garde champêtre se rappela même que l'oeuf était encore chaud quand il le ramassa.
Ce n'était pas pour rien que le juge se crut très intelligent. Du coup, il voulut savoir de quel oeuf il s'agissait.

«C'est l'oeuf d'une vouivre», dit le plus âgé.

«C'est l'oeuf du vampire.»

Mais le juge écouta plutôt le garde champêtre qui dit qu'au moment où il trouva l'oeuf, il y avait un animal à quatre pattes très étrange qui rodait dans la région. Il courait vite, il avait une crinière et une queue poilue.

A cette époque là, le cheval était rare dans la région de Rátót. Les paysans labouraient la terre avec charrue à boeuf. Ils transportaient tout et même, ils allaient au repas de noces en charrette tirée par un boeuf.
Mais le juge avait déjà vu cheval et poulain. Il cria:

«Un poulain! C'est un poulain qui l'a pondu.»

Les vieux commencèrent à murmurer, eux aussi.

«C'est ça! C'est le poulain qui l'a pondu. Qui d'autre aurait pu nous pondre un truc pareil?»

Sur ce, ils furent tous d'accord.

«Jusqu'ici tout va bien. Mais dites-moi, chers Compères, que devons-nous en faire?» demanda le juge.

«Nous allons le mettre à couver!

-Mais qui va le faire? Nous n'avons pas de chevaux!»

Tout le monde se creusa la tête. Mais seul le juge qui avait des idées.

«Vous savez quoi, Chers Compères? Je suis d'avis que nous le fassions, nous-mêmes.»

Ils furent tous d'accord.

Pour montrer l'exemple, c'est le juge qui s'assit le premier sur l'oeuf. Ensuite ce fut le tour des autres, suivant leur âge, l'un après l'autre. Chacun fit un jour comme une poule couveuse couve ses oeufs.

Peut-être même aujourd'hui l'un d'entre eux serait encore assis sur la citrouille si dans le village voisin une rumeur n'avait pas couru selon laquelle les conseillers de Rátót avaient laissé pourrir l'oeuf de poulain puisque le poussin n'était pas éclos.
Les rumeurs arrivèrent jusqu'aux oreilles des conseillers qui commencèrent à rouspéter. Ils ne voulurent plus couver l'oeuf de poulain de quiconque.

Le juge fut attristé. Il crut dur comme fer que le poulain gigotait déjà à l'intérieur de l'oeuf. Il le secoua, il le renifla. Il le fit flairer aux conseillers aussi. Mais eux étaient incrédules. D'après leur odorat, l'oeuf sentait déjà mauvais. Il était même pourri!

Enfin, ils se mirent d'accord d'emporter l'oeuf pourri sur la colline qui entourait le village afin de le faire rouler vers le centre de Rátót dont les habitants dénigraient le plus haut et fort leurs conseillers. Tous les habitants du village, du plus petit au plus grand, étaient dans la rue. Tout le monde voulut voir comment les mauvaises langues en prendraient pour leur grade. Les conseillers sortirent l'oeuf qui sentait très mauvais de loin. Quand ils se bouchèrent le nez tous, le juge prit l'oeuf sur la brouette et commença à le faire rouler. L'oeuf roula, roula vers le bas de la colline. En arrivant, il entra dans une aubépine. Il heurta une pierre quelconque, et se cassa en morceaux. Au même moment, un petit lapin sauta du buisson et les villageois hurlèrent à pleins poumons.

«Le poulain! Tiens! Il court, le poulain! Suivons-le!»

Ils coururent tous après le lapin. Seul le juge resta sur la colline.

Il constata qu'il était inutile de courir à toutes jambes pour rattraper la petite bête. Il soupira tristement:

«N'avais-je pas dit que le poulain bougeait déjà? Pourquoi n'avons-nous pas été plus patients? Pourquoi n'avons-nous pas couvé encore un ou deux jours ce sacré oeuf de poulain?»

Conte imaginé par Endre Stankowsky