dimanche 6 décembre 2015

Comment le renard a-t-il appris à pêcher au loup?

Les villageois avaient estourbi le loup et l’avaient laissé sur le carreau à tel point que celui-ci, pendant des

Source:network.hu
jours, n’osa même pas mettre le nez dehors. Mais une faim terrible le prit, et il fut donc obligé d’aller chercher de la nourriture.

«Si je pouvais avoir maintenant la moitié du poisson que l’autre jour j’avais en trop, j’en serai vraiment très content. Mais une logue méditation ne sert à rien! Dix conditionnels ne valent pas un présent!»

Soudain, il pensa à son compère le renard, et un désir de vengeance s’empara de lui.
«Je vais tout de suite aller chez lui, et je lui ferai la leçon!»

Quand il arriva devant sa tanière, le renard était en train de manger une anguille volée aux pêcheurs. Il vit que le loup, furieux, s’approchait de lui et il se retira un peu plus dans sa tanière. Le loup comprit tout de suite qu’il ne pourrait pas nuire immédiatement au renard, il lui adressa donc la parole très cordialement.

-Compère Renard, qu’est-ce que tu manges?
-Une délicieuse anguille. Je l’ai pêchée, moi-même», répondit le renard.

Une faim irrésistible envahit le loup, et il avait l’eau à la bouche en pensant au bon poisson qu’il avait mangé la dernière fois.

«Comme il serait bon que je puisse attraper un poisson, moi aussi! Ne m’apprendrais-tu pas à le faire?» demanda le loup au renard.
«Tu sais Compère, plus d’une fois j’ai déjà eu l’occasion de constater que personne ne peut compter sur ta reconnaissance! Mais je veux bien te prouver que je te suis un ami fidèle, et je vais t’apprendre à pêcher, comme ça à l’avenir tu pourras en prendre autant que tu voudras. Mais avant de le faire, jure-moi que tu ne mijotes rien dans ta tête!
-Je jure sur la lumière de la nuit que je ne te causerai pas le moindre ennui!» répondit le loup.

Rassuré, le renard sortit de sa tanière et amena le loup au bord d’un lac dont l’eau était gelée. La veille, les pêcheurs y avaient fait un trou dans la glace.

«Alors, maintenant, trempe ta queue tant que tu peux dans l’eau, et tu verras la quantité de poisson que tu attraperas ! Le but est de ne pas faire fuir les poissons. Evite de faire du bruit tant que beaucoup de poissons n’ont pas mordu ta queue!» dit le renard.

Le loup fit ainsi. Il faisait froid, il y avait la pleine lune, le trou dans la glace était sur le point d’être gelé. Au bout d’un certain temps, le renard demanda:

«Compère Loup, aurais-tu déjà attrapé quelques poissons?»

Le loup tenta de lever un peu sa queue et répondit:

«Oui, je crois que j’en ai déjà.
-Garde le silence pour que les poissons ne se sauvent pas!» répondit le renard.

Le loup obéit parce qu’il voulait beaucoup de poissons, et il avait peur de ne pas y arriver.
Après un long silence, le renard dit:

«Compère Loup, maintenant cela suffit, autrement tu ne sauras pas quoi faire de tous ces poissons. Tu sais bien que manger trop, ce n’est pas sain ni recommandé!»

Sur ce, le loup commença à tirer sa queue en se réjouissant de sentir qu’elle sortait difficilement. Il croyait que c’était à cause de la grande quantité de poisson. Quoi qu’il fasse, sa queue ne bougeait plus.

«Attends! Je t’apporte de l’aide!» dit le renard, et il partit en courant dans la direction d’un tas de bois.
Ayant vu le renard, les bûcherons saisirent des gourdins et le poursuivirent. Rusé, le renard tourna les talons, et il retourna à l’endroit où il avait laissé le loup.

«Les bûcherons arrivent pour t’aider à sortir les poissons. Par contre, je te conseille de ne pas en manger beaucoup en une seule fois!»

Là-dessus, il disparut immédiatement.

Le pauvre loup fut attaqué de tous les côtés, de plus, il fut incapable de se défendre. En déployant ses forces, il tenta à nouveau de sortir sa queue de la glace. Finalement, il s’en échappa bel et bien, mais sa queue resta pour toujours gelée dans la glace.

Conte transylvain


lundi 16 novembre 2015

La petite noix

Istvan Szönyi: Aratàs (Moisson)

Il était une fois un homme. Il était très pauvre et de plus, il avait autant d’enfants qu’il y a d’étoiles dans le ciel. Il leur arrivait de n’avoir rien mangé pendant trois jours. Le pauvre homme partit donc pour leur chercher un peu de nourriture. Il traversait un bois quand le diable se planta devant lui sous la forme d’un homme:

«Où vas-tu, pauvre homme?
-Je dois trouver de quoi manger à mes enfants sinon, ils vont mourir de faim», répondit-il.

Le diable lui dit:
«Ne bouge pas d’un pouce parce que je vais te donner quelque chose. Si tu l’utilises intelligemment, tu pourras t’enrichir, ainsi, ni toi, ni tes enfants ne connaîtront plus le besoin. Tiens, prends cette petite noix! Elle a une particularité: tout ce que tu souhaites, elle le réalise immédiatement.
-Qu’est-ce que je te dois en échange pour cela? demanda le pauvre homme.
-Je ne te demande pas beaucoup, donne-moi seulement quelque chose qui se trouve dans ta maison mais que tu ignores», répondit le diable.

Le pauvre homme réfléchit mais rien ne lui vint à l’esprit. Mais puisqu’il  souffrait du manque de tout à la maison, il le promit au diable. Celui-ci lui donna la noix, et ils se séparèrent.
Le pauvre homme rentra à la maison et sa femme lui demanda:

«Alors, as-tu apporté quelque chose à manger? Nous allons tous mourir de faim.
-Non, je n’ai rien apporté à manger, juste une noix qui a un pouvoir exceptionnel. Un homme me l’a donnée en disant que je peux souhaiter tout ce que je veux, elle l’accomplira », répondit le pauvre homme.
-Combien as-tu payé pour ça puisque je sais bien que personne ne donne rien gratuitement», demanda sa femme.
«Il m’a juste dit que je lui donne en échange de la noix  ce que j’ignore se trouver dans ma maison. J’ai réfléchi mais rien ne m’est venu à l’esprit donc je le lui ai promis.»

Sa femme s’emporta et lui dit:

«Qu’est-ce que tu as fait? Tu ne savais pas que j’attends un enfant et tu  lui as déjà vendu notre enfant!
-Ma femme, je suis désolé, cela doit être ainsi, on ne peut plus revenir en arrière», répondit le mari.
«Alors, petite noix, nous avons tous besoin de nourriture, de boisson et de vêtements. Je souhaite qu’il y ait tout ici, chez moi!» demanda le pauvre homme à la noix.

Ce fut ainsi. Tout le monde fut rassasié des meilleurs plats. L’homme eut envie d’avoir encore plus : il demanda à la noix qu’elle lui donne à la place de son gourbi une belle maison en pierre entourée d’un beau jardin, des champs pas loin de chez lui et des bêtes : des vaches et une basse cour.

Ce fut ainsi.

Ils travaillèrent dans leur ferme : le pauvre homme devint riche, entre temps sa femme accoucha d’un enfant. Un soir, deux vieillards frappèrent à leur porte et demandèrent de les héberger chez eux. Ils acceptèrent avec plaisir. Pendant le dîner, ils dirent au fermier:

«Nous savons que cette nuit le diable viendra chez toi pour emporter ton cadet que tu lui as promis quand tu étais dans le besoin. Nous sommes venus pour sauver cet innocent. Ecoute-nous bien et fais ce que nous te disons : quand tout le monde sera couché, mets un pain entier sur le bord de la fenêtre. Laisse-le là toute la nuit.»

Le fermier mit le pain où les deux hommes le lui avaient demandé et alla se coucher. En plein milieu de la nuit, le diable arriva sous la fenêtre du fermier et dit:

«Alors, tu te souviens encore de la promesse que tu m’as faite dans la forêt? Donne-moi ce que tu me dois, je suis venu exprès pour ça.»

Mais personne n’entendit ces paroles dans la maison, tout le monde étant déjà dans les bras de Morphée, seul le pain répondit:

«Reste tranquille dehors, attends un peu comme je l’ai fait, moi aussi. J’ai été semé l’an dernier dans la terre, j’étais là et j’ai attendu pendant tout l’hiver. Attends maintenant, toi aussi! Quand le printemps est arrivé, j’ai commencé à pousser tout doucement et j’attendais d’avoir grandi. Attends toi aussi! Le temps de la moisson est arrivé, avec un fer crochu on me tapait, ensuite on m’a emmené sur une charrette dans le village. J’ai dû attendre. Attends toi aussi! On m’a disposé en meules, on m’a tapé dessus et j’ai dû le supporter. Fais-le, toi aussi! Ensuite on m’a jeté dans la grange et avec deux morceaux de bois bizarrement ajustés on m’a tapé dessus, mais j’ai dû le supporter. Supporte-le maintenant, toi aussi! On m’a mis dans un sac et m’a emmené dans un moulin, entre deux meules de pierre j’ai été moulu. Et j’ai dû le supporter. Fais-le, toi aussi! Quand je suis arrivé à la maison, on a versé sur moi une espèce d’eau salée, les hommes avec leurs mains, ils m’ont bien torturé et pétri. Et ce qui est le plus pénible au monde, on m’a jeté sur une grande pelle dans cheminée brûlante. J’ai dû supporter tout cela. Supporte-le, toi aussi! J’ai été bien cuit, à certains endroits j’ai même été brûlé. Ensuite avec un couteau on m’a coupé en morceaux. Alors, tu vois tout ce que j’ai supporté,  j’ai tant souffert et attendu. Maintenant souffre et attends, toi aussi.

Le diable espérait fortement avoir l’enfant à la fin du discours mais il se trompait car à ce moment le premier chant de coq retentit, et il perdit tout son pouvoir. Il s’esquiva vite dans son pays, et le fermier garda définitivement son enfant.

Le matin, le fermier et sa femme donnèrent un bon petit déjeuner à leurs hôtes et les remercièrent d’avoir sauvé du diable leur petit dernier. Les deux vieux leur dirent adieu et continuèrent leur chemin.

Le fermier vit richement avec sa femme s’ils n’ont pas perdu la petite noix entre-temps.

Conte transylvain, collecte de János Kriza

vendredi 23 octobre 2015

Le roi Mathias et le jeune juge

Source: antikvarium.hu

Un jour, au cours de ses nombreux déplacements dans son pays,  en arrivant dans un village, le roi Mathias y trouva un grand désordre. Il entendit dire:

«Nous avons élu le fils du juge à la place de son père.
-Et pourquoi pas le vieux?» demanda le roi Mathias.
«Le vieux n’est plus bon à être juge», dirent les gens du village.

Le roi Mathias se rendit à la maison municipale où il rencontra le jeune et courtois juge. Le roi lui dit:

«Tu n’es pas fait pour être juge. Tu es trop jeune. Je ne sais pas si tu conviens déjà à ce poste.»

Sûr de lui, le jeune juge fit savoir qu’il convenait  à toutes les fonctions et à tout le monde. Le roi lui dit:

«Alors si c’est comme ça, je veux bien que tu m’amènes ici, à la maison municipale, trente loups, quarante sages et soixante fous!»

Le jeune juge rentra à la maison. Il était très triste, à tel point qu’il ne demanda ni à manger, ni à boire. Son père ne put pas s’empêcher de lui poser la question:

«Fiston! Dis-moi, pourquoi es-tu si triste?
-Pourquoi? Pourquoi? Parce que le roi Mathias est venu dans notre village et il m’a demandé qu’à son retour je lui présente trente loups, quarante sages et soixante fous à la maison municipale. Si je n’y arrive pas, je serai exclu du tribunal.
-Mais ce n’est rien, mon fils! Ne te casse pas tête!»

Le père n’en dit pas plus à son fils : il le laissa réfléchir puisqu’il voulait devenir grand et célèbre. Cependant, sans rien révéler devant son fils, il rassembla trente hommes ayant trente ans chacun, quarante hommes ayant quarante ans chacun et soixante hommes ayant soixante ans chacun. Quand ce fut fait, il lui annonça:

«Je vais répondre, moi-même, au roi Mathias!»

Quand le roi revint dans le village, le jeune juge eut peur. De plus, il vit arriver beaucoup de gens et il ne savait pas pourquoi. Le roi arriva devant le jeune juge et demanda:

«Alors, les trente loups, les quarante sages et les soixante fous, ils sont tous là?»

Le jeune juge devint tout pâle, il ne pouvait pas prononcer un traître mot. A ce moment-là, son père arriva et dit:

«Majesté! Ils sont tous ici!»

Il présenta au roi Mathias trente jeunes hommes forts comme des loups, quarante sages qui avaient quarante ans chacun et soixante fous qui avaient soixante ans chacun.

«Mais voilà! Vous voyez bien le vieux est plus intelligent que le jeune. A partir de maintenant c’est lui qui est le juge du village!»

Le jeune fut chassé et exclu du tribunal. Le roi Mathias lui dit:

«Je vois que ton père, malgré son âge, est encore plus intelligent que toi. Contrairement à toi, il est fait pour être juge !»

(Conte de la Voïvodine)



vendredi 25 septembre 2015

L’argent enterré

Source: egyszervolt.hu
Il était une fois trois marchants. Ils décidèrent d’aller à la foire. Ils furent obligés de traverser plusieurs grandes forêts quand la nuit les surprit. Mais s’il n’y avait que cela! L’obscurité était si grande que l’on aurait pu y accrocher une hache. Ils ne se voyaient plus, et l’un des trois s’aperçut qu’il tâtonnait seul dans le noir aveugle. Il ne savait pas où s’éloignaient les deux autres. Il réfléchissait à ce qu’il allait faire. Il avait beaucoup d’argent sur lui, et il avait peur de rencontrer des voleurs. Il se demandait où il pourrait cacher son argent.

Enfin, le jour se leva quand il sortit de la forêt. Il se retrouva dans une prairie, et il regarda bien autour de lui mais il ne voyait même pas chat, ni une seule maison. Il creusa vite un trou et il y cacha son argent. Il est vrai que lui ne voyait personne, mais le propriétaire de la prairie était là:il était caché derrière une meule de foin, et il observa ce que faisait le marchant. Quand celui-ci se fut bien éloigné, le propriétaire se dépêcha d’aller voir le trou et de déterrer l’argent.
Quand le marchant revint, il ne trouva plus trace de l’argent. Ses larmes coulèrent à flots, il ne savait plus quoi faire.

«Personne ne m’a vu enterrer l’argent mais quelqu’un me l’a dérobé quand même», se dit-il.

Il pensa à ceci, il pensa à cela, et finalement il se dit qu’il irait voir le roi qui était sage et juste, pour lui raconter son immense chagrin.

Ce fut ainsi.

Le roi écouta attentivement les plaintes du marchant et lui dit:

«D’abord, apprends qui est le propriétaire de la prairie. Ensuite, vas chez lui et dit: Mon père, je suis parti avec beaucoup d’argent mais ayant peur d’être volé j’en ai enterré une partie mais pas tout. J’ai encore sur moi la plus grande partie de cet argent. Maintenant je me demande où je devrais enterrer l’autre partie:au même endroit ou ailleurs? Eventuellement je la laisserais à une personne digne de confiance. Ecoute bien ce qu’il te répond et fais-le!»

Le marchant suivit le conseil du roi. Il alla chez le propriétaire et lui répéta mot pour mot les paroles du roi.

«C’est très simple. Pourquoi mettrais-tu ton argent à deux endroits différents? Il vaut mieux  garder tout au même endroit», répondit le propriétaire.

Celui-ci évidemment ne savait pas que le marchant était au courant du vol. Il pensa qu’il allait déterrer l’autre partie aussi. Pendant que le marchant se reposait, plus exactement pendant qu’il faisait semblant de se reposer, le propriétaire, ce menteur, remettait l’argent dans le trou pour que le marchant ne s’aperçoive pas du vol. Il attendit que le marchant s’en aille, et tout de suite il se dirigea vers le trou pour avoir enfin tout l’argent.

Mon Dieu! Il resta pétrifié quand il ne vit plus qu’une fosse vide! Mais c’était très bien comme ça!

Tout est bien qui finit bien.

vendredi 19 juin 2015

Le renard qui demande l’hospitalité

Source: tudatbazis.sulinet.hu


Il était une fois un vieux renard qui avait faim. Il aurait eu envie de manger un bon rôti. Il mit donc un sac vide sous son aisselle et partit voir le monde.

Il chemina lentement jusqu’à ce qu’il arrive à la maison d’un fermier. Il frappa à la porte et quand on demanda qui était dehors, il répondit:

«Je suis un pauvre voyageur. Je cherche un gîte pour la nuit.»

Le fermier et sa femme étaient généreux. Ils eurent la pitié du renard, et ils le laissèrent entrer. Ils lui offrirent même un dîner. Le renard les en remercia poliment, ensuite il s’allongea sur un banc et posa son sac vide par terre.

Avant d’aller se coucher, il dit au fermier:

«J’espère qu’il n’y a pas de voleur qui rôde la nuit autour de la maison parce que dans ce sac il y a un beau coq, et je n’aimerais pas le perdre.
-Ne te fais pas de souci, compère renard, rien n’a jamais disparu de ma maison. Dors tranquillement!» le rassura le fermier. Il souriait même de voir à quel point le renard avait peur pour son coq.

Bien sûr qu’il n’y avait rien dans le sac! Quand ils se réveillèrent, le renard commença à gémir:

«Aïe! Aïe! Je n’ai plus de coq. On m’a volé mon coq!»

Les gens de la maison tentèrent de le calmer. Ils cherchèrent partout le coq mais ils ne le retrouvèrent nulle part. Le fermier avait de la compassion pour le renard qui se plaignait terriblement. Pour le faire taire, le fermier lui offrit un beau coq, et il lui demanda de partir en paix.

Le renard marcha toute la journée, et le soir il frappa à la porte d’une ferme où les fermiers lui firent bon accueil. Alors que tout le monde s’apprêtait à aller se coucher, le renard regarda autour de lui comme s’il recherchait des voleurs cachés dans la pièce. Il dit au maître de  maison:

«Sachez Patron qu’il y a une belle oie dans mon sac. J’espère qu’il n’y a pas de voleur par là.
-Rien n’a jamais disparu d’ici. Va te coucher, dors tranquillement, ne te fais pas de souci!» lui répondit le maître.

Le renard attendit que tout le monde s’endorme pour sortir le coq de son sac. Il le mangea sans y avoir laissé une plume.

Le matin le renard commença à gémir:

«Aïe! Aïe! Je n’ai plus ma belle oie. On m’a volé ma magnifique oie!»

Tout le monde la chercha partout, en vain. Quand le fermier ne put plus écouter les jérémiades du renard, il lui offrit une grosse oie.

Le renard marcha toute la journée. Il était fou de joie. Il regarda dix fois son sac pour s’assurer que l’oie y était toujours.

Le soir, il arriva à une belle ferme. Il frappa à la porte, et il entra. La famille était autour de la table. Avant d’aller se coucher, le renard dit au fermier:

«Je dépose mon sac sous mon banc mais je n’ose pas dormir tranquillement. Vous savez, il y a mon cochon de lait dedans.
-Ne t’inquiète pas! Dors bien! Chez moi, dans ma maison, tu ne risques rien!» lui répondit le fermier.

Celui-ci se trompait : à peine fut-il endormi que le renard se leva et mangea le cochon de lait. Il n’en laissa pas un seul morceau. Dès l’aube, il commença à pleurer sur son cochon de lait.

«Aïe! Aïe! On m’a volé mon beau petit cochon de lait!»

Tous les gens de la ferme cherchèrent partout la bête. Ils tentèrent de réconforter le renard, sans succès. Le paysan finit par lui donner un beau cochon de lait. Le renard s’en réjouit et quitta la ferme.

Dès qu’il arriva sur la route, il ouvrit le sac et constata que c’était la bête la plus belle qu’il ait jamais vue de sa vie. Il pensa déjà à la délicieuse viande qu’il mangerait le soir.

Il marcha lentement sur la grande route, toute la journée. Le soir, il frappa à la porte d’un paysan. On l’invita à entrer, et il raconta la même histoire qu’aux autres.

«Patron ! Faites attention aux voleurs qui opèrent la nuit pour qu’ils ne puissent pas me chiper le beau cochon qui est dans mon sac!»

Le paysan jeta un coup d’œil sur le sac et pensa qu’un gros cochon n’y rentrerait pas, de plus il entendit bien que ce n’était qu’un cochon de lait qui grognait dedans. Il alla se coucher sans dire un mot. Par contre, le renard ne ferma pas l’oeil. Il engloutit le cochon de lait tout cru.

A l’aube, il se mit à se lamenter.

«Aïe! Aïe! On m’a volé mon beau cochon!»

Le paysan se rendit compte tout de suite de la ruse du renard, et il fit semblant de regretter ce qui s’était passé. Il dit au renard:

«Ne pleure pas! ça n’est pas la peine que tout le village soit au courant de ton chagrin. Je vais te donner plutôt deux cochons. Passe-moi ton sac!»

Le paysan sortit avec le sac du renard. Il avait deux gros chiens de chasse affamés. Il les mit dans le sac qu’il ferma bien fort. Quand il rendit le sac au renard, il lui demanda de se dépêcher de quitter le village.

Il ne fallait pas lui dire deux fois! Il emporta rapidement son sac, et il se léchait déjà les babines en pensant à la viande bien grasse qu’il mangerait à la sortie du village.

Après être arrivé sur la route, il ouvrit le sac pour regarder les cochons. Mais qui sauta du sac? Les deux chiens de chasse affamés et furieux! Le renard laissa tout tomber et courut comme un zèbre. Il ne voulait plus de viande grasse pourvu que sa peau soit sauvée.

Mais il n’était pas assez rapide, les deux chiens de chasse le rattrapèrent, et ils lui mordirent bien fort la peau.
Si les chiens n’avaient pas rattrapé le renard, mon histoire aurait duré plus longtemps.


vendredi 8 mai 2015

L’oiseau qui pond des œufs d’or

Conte imaginé par Hédi Komàromi

Il était une fois, dans une lointaine contrée, une grande montagne. Au sommet de celle-ci, il y avait un arbre. Sur l’une de ses branches, il y avait un nid et dans le nid un oiseau. Mais quel oiseau! Croyez-le ou non, cet oiseau pondait un œuf d’or chaque jour.

Mais que lui arriva-t-il un jour? L’oiseau quitta son nid au moment où un chasseur passait par là tout à fait par hasard. Quand il vit l’oiseau, il grimpa à l’arbre, regarda dans le nid et Seigneur Dieu! … il vit un œuf d’or.

«Ça alors, j’ai déjà vécu le plus clair de ma vie, mais je n’ai jamais vu un oiseau qui pondait des œufs d’or ! Je vais le prendre, je vais l’emporter chez moi pour que désormais il ponde pour moi des œufs d’or. Pour moi, pour moi… pour personne d’autre!» pensa le chasseur.

Il prépara vite un collet, il le posa dans le nid, puis il descendit de l’arbre et se cacha derrière pour attendre l’oiseau. Celui-ci arriva bientôt, mais il n’aperçut pas le piège et il s’en trouva prisonnier. Le chasseur grimpa à l’arbre, il attrapa l’oiseau et il alla en courant chez lui. A peine rentré, il commença à réfléchir:

«Voilà, voilà… j’ai rapporté pour rien cet oiseau qui pond des œufs d’or! Si mes voisins le découvrent, ils vont l’envier et ils vont me dénoncer au roi qui le saisira. Je vais plutôt le lui offrir!»

Il fit ainsi.

Le chasseur alla voir le roi, lui donna l’oiseau. Le roi le mit tout de suite en cage. Il ordonna à ses serviteurs de lui donner abondamment à manger et à boire pour qu’il ponde rapidement des œufs d’or car comme tous les rois, lui aussi avait besoin de beaucoup d’argent…
A peine enferma-t-on l’oiseau dans la cage que le majordome arriva et dit:

«Majesté! Pourquoi nourris-tu gratuitement cet oiseau? Tu crois qu’il existe un oiseau au monde qui pond des œufs d’or ? Tu ferais mieux de le relâcher tout de suite!»

Le roi suivit le conseil du majordome. L’oiseau était heureux, il se posa au sommet du portail, il pondit un œuf d’or qui tomba par terre et dit:

«Tout à l’heure je me suis laissé attraper, j’ai fait une sottise. Ensuite, le chasseur en a fait une autre en m’offrant au roi, puis le roi et son majordome en ont fait encore une autre... On était fous, nous tous! Eh bien, moi, je ne ferai plus de sottise!»

Sur ce, l’oiseau regagna son nid. Si l’oiseau n’était pas revenu dans son nid, mon histoire aurait duré plus longtemps.

vendredi 17 avril 2015

Le roi Mathias et le poirier sauvage



Source de l'image: szcsa.hu
Il y avait deux villages voisins:l’un était plus petit que l’autre. A la limite de ces deux, il y avait un poirier sauvage qui était un motif de discussions permanentes entre les villageois. Ils étaient incapables de se mettre d’accord au sujet de cet arbre.
Le juge du village le plus petit eut l’idée d’aller voir le roi Mathias et de lui demander de départager les deux villages. Il lui apporta une gourde de vin et une bouteille de vinaigre fait avec les fruits du poirier sauvage. Il demanda au roi de rendre l’arbre à son village. Après avoir écouté attentivement les paroles du juge, le roi lui posa cette question:

«Au fait, comment est-il le jus de ce poirier? Doux ou acide?
- Il est acide, répondit le juge.
- Alors, j’irai le voir quand il donnera des fruits», dit le roi Mathias.

Le roi offrit un perroquet au juge et le laissa partir.

Quand le juge de l’autre village apprit la nouvelle de cette visite, il décida d’aller, lui aussi au palais royal. Il apporta un petit tonneau de vin et une bouteille de vinaigre fait avec les fruits du poirier sauvage. Le juge demanda au roi de donner le poirier à son village. Après avoir écouté attentivement les paroles du juge, le roi lui posa cette question:

«Au fait, comment est-il le jus de ce poirier? Doux ou acide?
- Doux, répondit le juge
- Alors, j’irai le voir quand il donnera des fruits», dit le roi Mathias.

Le roi offrit un Sarrasin au juge et le laissa partir.

Quand le juge rentra à la maison, les habitants de l’autre village se disaient entre eux:
«Oh, l’autre village a eu un plus beau cadeau que le nôtre!»

Mais ils se consolèrent dès qu’ils eurent demandé au Sarrasin ce qu’il voulait manger.
«Du citron, de l’orange et des figues», répondit il.
«Alors notre cadeau vaut quand même plus que celui du village voisin. Notre perroquet ne mange que des grains et par-dessus le marché, il sait parler», se dirent les habitants du plus petit village.

L’année suivante, quand les poires furent mûres, le roi alla jusqu’aux villages. Il convoqua autour du poirier les habitants des deux villages. Il demanda d’un ton ferme au juge du plus grand village de prendre une poire et de la goûter:

«Est-elle douce ou acide? » demanda le roi au juge.
«Douce!» répondit-il.

Ce fut le tour du juge de l’autre village:
«Est-elle douce ou acide?»
«Acide!» répondit-il.
«Tu as raison. Le poirier sauvage est à vous parce que vous dites la vérité. Les fruits d’un poirier sauvage ne peuvent jamais être doux, ils sont toujours acides. Alors, celui qui ne dit pas la vérité en parlant des petites choses, on ne peut pas le croire pour les grandes affaires non plus!» dit le roi Mathias.

Ainsi dona-t-il raison au juge du petit village qui disait la vérité.

vendredi 27 mars 2015

Les souris

Dessin de Monika Kiss

Il était une fois, un homme très pauvre qui vivait quelque part. Il avait autant d’enfants qu’il y a d’étoiles dans le ciel, et même un de plus. A chaque fois qu’il avait un nouvel enfant, il fallait un nouveau parrain. Aussi, il en avait déjà beaucoup. Quand son dernier né vint au monde, il ne savait plus à qui demander d’en être le parrain. Il partit donc à sa recherche et, en cours de route, il rencontra un mendiant qui lui demanda:

«Où vas-tu, pauvre homme?
-Je vais chercher un parrain pour mon fils.
-Ne va plus loin, je le serai, moi, le parrain!» dit le mendiant.

Le pauvre homme n’eut pas de regrets, il accepta le mendiant, et ils rentrèrent à la maison. Après le baptême, le mendiant sortit un grand clou de la manche de son manteau brodé et le donna au pauvre homme pour qu’il le remette à son fils quand celui-ci aurait dix-huit ans. Il lui recommanda qu’à ce moment là, il aille dans une clairière et qu’il en frappe la terre : ce qu’il y trouvera, ce sera à lui. Sur ce, le mendiant s’en alla.

Le temps passa, le garçon eut dix-huit ans. Un jour, ses frères, en parlant des cadeaux de leurs parrains, commencèrent à se moquer de leur cadet qui n’avait rien eu. Celui-ci se mit à pleurer et alla voir son père pour savoir si les paroles de ses frères étaient vraies.

«Bien sûr que tu as eu quelque chose, mon fils! Voici le clou, prends-le et va à la clairière, frappe la terre, et ce que tu trouveras, sera à toi!» répondit son père.

Le garçon obéit. Il s’en alla, et frappa la terre qui s’ouvrit immédiatement. Un magnifique château  apparut devant lui. Devant sa porte, le vieux mendiant était assis. Il dit au garçon:
«Rentre dans la pièce du milieu, ce que tu trouveras, mets-le de côté, tu en auras besoin pour obtenir ta future épouse.»

Il fit ainsi, et il trouva une pièce d’argent sur un banc. Il la glissa dans sa poche, et sortit de la pièce. Quand il quitta le château par le grand portail, la terre se referma, et il alla de par le vaste monde.

Il marcha, il chemina, jusqu’à ce qu’il arrive à une rivière. En cherchant un pont, il vit une vieille dame qui jetait dans l’eau des chatons qui étaient dans son tablier. Il ne lui restait plus qu’un chaton quand le garçon arriva. Il dit à la vieille:

«Ma petite vieille, ne jetez pas ce chaton dans l’eau, je vous l’achète plutôt!»

La vieille femme le lui donna pour une pièce d’argent. Le jeune homme mit le chaton dans sa besace, et il continua son chemin. Il marcha, il chemina jusqu’à ce qu’il arrive dans une ville dont il n’avait jamais entendu parler. Il y vit des gens qui se dirigeaient vers un beau château. Chacun d’eux avait un balai ou une fourche à la main. Il ne put pas s’empêcher de leur demander où ils allaient et ce qu’ils allaient faire.

«Viens avec nous et tu verras!» lui dit l’un d’eux.

Ils entrèrent par la grande porte du château et ils ne s’arrêtèrent pas jusqu’à ce qu’ils arrivent dans une très belle pièce. Au milieu, autour d’une grande table préparée pour un repas, il y avait des chaises. Les couverts étaient tous en or et en argent car c’était la salle à manger du roi. Le roi arriva avec sa famille suivi par des princes, des comtes et des barons. Ils se mirent à table et derrière chacun d’eux, un homme se tenait debout avec un balai ou une fourche. Quand le premier plat fut servi, la table se remplit de souris. Les hommes qui étaient debout avaient beau frapper avec leurs fourches, cela ne servait à rien. Il y avait tellement de souris que personne n’en avait jamais vu autant nulle part. Il était impossible de manger ! Ahuri, le jeune regarda la scène, et il dit au roi:

«Votre Majesté! Les fourches sont absolument inutiles ici! Si vous me permettez, je vais débarrasser tout de suite votre ville des souris!
-Si tu le fais, je te donne ma fille et la moitié de mon royaume!» répondit le roi.

Le jeune homme n’hésita pas à jeter son chaton sur la table, et les souris se sauvèrent  comme elles pouvaient. Le roi et sa cour purent enfin se mettre à table et prendre leur déjeuner confortablement. Le jeune homme était à table, lui aussi, à côté de la princesse. Ils célébrèrent tout de suite les fiançailles. Le lendemain, le jeune homme rentra chez lui et apporta un sac plein de chats pour qu’il y en ait dans chaque maison.

Ils donnèrent un grand repas de noces, ils vivent encore heureux s’ils ne sont pas morts entre-temps.

dimanche 15 février 2015

Les trois vagabonds


Source:itineraireiconographique.com
Un jour, tout à fait par hasard, trois compagnons bien dégourdis se rencontrèrent. Ils avaient tout ce qui leur fallait pour cette vie terrestre, sauf de l’argent. Pourtant ils en auraient eu bien besoin car la mère de l’un des trois était très malade. Le prix de la petite maison au fin fond du village était déjà dépensé pour les médicaments, pour le docteur, pour la carriole et pour le bac. Les trois amis se creusèrent la tête pour trouver une nouvelle source d’argent.
L’un dit:

«Vous savez comment nous allons faire? Entre Eger et Pest il n’y a personne de plus avare que le passeur d’ici. Ma mère n’arrête pas de se plaindre de lui. Voilà mon idée : je me présente comme saint Pierre. Toi, mon ami, tu seras saint Paul et toi, saint Jean. Avec l’argent de la vente de mes bottes et de ma cape, nous trouverons bien un beau poisson, un  joli pain rond bien cuit et une cruche de vin. Je me charge du reste…»

Ainsi fut fait. Ils passèrent par la cabane du pêcheur et achetèrent un beau poisson. Ils allèrent chercher un grand pain rond, puis ils rentèrent dans une auberge pour une cruche de vin. Ils allèrent voir le sacristain pour lui emprunter deux chemises blanches et son manteau de soie. Saint Pierre mit le manteau, les deux autres les chemises blanches. Ils fabriquèrent deux toques en carton et les mirent sur leur tête.
Ils allèrent ainsi chez le passeur et frappèrent à sa porte.

«Entrez!» répondit le passeur.

Sur la table il y avait une petite lampe à huile. Pierre s’arrêta à côté de la table, Paul resta sur la galerie et Jean devant le portail. Le passeur qui était avare, et sa femme encore plus avare, restèrent bouche bée.

«Je suis saint Pierre. Voilà l’apôtre Paul et dehors, le troisième, c’est saint Jean», dit l’aîné de trois vagabonds.

Les deux vieux joignirent les mains. C’est la femme qui sortit les premiers mots:

«Mon Dieu! Qu’est-ce que nous avons fait pour mériter votre visite sous notre modeste toit?»

Ensuite, elle apostropha brusquement son mari.

«Dépêchez-vous, apportez-nous quelque chose!»

Puis elle se retourna vers saint Pierre:

«Excusez-nous, ne nous en voulez pas de cet accueil ! Asseyez-vous, je vous en prie!»

A ce moment-là, le vieux passeur revint avec un piètre poisson. Il dit à sa femme:

«Faites griller ce poisson!
- Je préfère le faire bouillir comme cela je n’utiliserai pas de graisse!»

Sur ce, saint Pierre intervint:

«Passez-le-moi! Saint Paul, sors avec le poisson et demande à Jean qu’il le bénisse!»

Paul l’avait emporté et revint avec le gros poisson que Pierre avait acheté au pêcheur. Les vieux étaient épatés par la taille du poisson que la femme prépara. Il aurait été suffisant pour cinq personnes même s’il n’y avait pas eu une seule miette de pain sur la table.

«Le pain n’est pas encore inventé chez vous?» demanda Pierre.

Sur ce, la vieille alla chercher un morceau qui était sec et noir comme de la terre.

«Ecoute, saint Paul, sors avec ce pain et dis à Jean qu’il le bénisse!» dit Pierre.

Il fit ainsi et revint avec un beau pain rond. Les vieux se regardèrent.

«Il n’y a rien à boire chez vous? Du vin par exemple qui irait bien avec le poisson?» demanda Pierre.

Sur ce, le vieux passeur sortit une vieille cruche de vin de piètre qualité. Il en versa dans les verres. Mais à peine Pierre eut-il mis le nez dedans, qu’il envoya Paul pour qu’il le fasse bénir. Quand il revint, la vieille cruche était pleine, ils pouvaient en boire autant qu’ils voulaient.

A partir de ce moment, le vieux couple commença à croire aux miracles. Ils échangèrent un regard complice et la vieille chuchota à l’oreille de son mari.
«Ecoutez, mon homme! Nous avons un vieux paneton plein de pièces d’or. Ne devrions-nous pas profiter de saint Jean tant qu’il est là et le faire bénir?
-Si, bien sûr, ce serait bien!» dit le vieux à haute voix.

La vieille alla chercher le paneton, et saint Pierre comprit tout de suite ce qu’elle voulait faire.

«Sors, Paul et dis à Jean qu’il le bénisse!» dit Pierre.

C’est Jean qui était le meilleur coureur parmi eux et dès qu’il eut le paneton plein de pièces d’or, il prit ses jambes à son cou, et il courut jusqu’à Eger.
Peu de temps après, saint Paul entra et dit:

«Je vais voir si la bénédiction a bien réussi!»

Dès qu’il fut dehors, il courut comme un zèbre.

Saint Pierre attendit quelques minutes, et poussa un soupir:

«Je vais le bénir moi aussi en espérant qu’il y en aura encore plus!»

Pierre sortit avec une mine de tartuffe mais quand il arriva dans la cour, il ne cherchait que les deux autres. Sauve qui peut! Il les suivit sans avoir enlevé son manteau de soie qui s’enroulait autour de ses jambes. Il faillit tomber à plat ventre.
Les vieux trouvèrent long le temps de la bénédiction, et le mari sortit pour savoir ce que les trois autres avaient bien pu faire. Mais il les vit tout comme moi je les vois! Les trois vagabonds n’étaient nulle part, il n’y avait même pas un chat dehors, de plus, il faisait déjà noir. Il rentra et dit à sa femme:

«Aie! Aie! Nous n’avons plus d’argent! Saint Pierre l’a emporté! Saint Paul l’a emporté! Saint Jean l’a emporté! Où devons-nous aller pour le retrouver?»

Une voix répondit de loin:

«En enfer!»


Conte transylvain, collecte de János Kriza

samedi 24 janvier 2015

Les trois sottes

Dessin de Blanka Berde
Il était une fois un homme qui avait trois filles et un garçon. Quand le temps des moissons arriva, les deux cadettes et le garçon allèrent dans les champs. L’aînée resta à la maison pour préparer le déjeuner qu’elle devait leur apporter.

Elle trouva pourtant qu’il était bien trop tôt et qu’elle aurait le temps de faire la cuisine un peu plus tard. Elle préféra aller rendre visite à sa voisine. Quand elle s’aperçut que le soleil était déjà très haut, elle prit peur. Elle rentra à la maison en courant pour éplucher les légumes et faire du feu. Une fois dans la cuisine, elle pensa qu’elle avait oublié de dire quelque chose à sa voisine. Elle s’en retourna donc chez elle. Quand elle revint, elle vit que la soupe aux haricots secs avait brûlé. Elle enleva la casserole du feu pour jeter la soupe et en faire une autre. Elle avait peur d’être sévèrement grondée par son frère à cause de la soupe brûlée. Elle était en train de verser la soupe aux cochons quand derrière elle, un veau beugla. Elle pensa que le veau irait dans le village et allait raconter à tout le monde qu’elle avait brûlé la soupe, ce qui lui rendrait le mariage impossible. Elle attrapa le veau et ne se soucia plus du déjeuner.

Midi venait de sonner, et dans les champs ils attendaient avec impatience le déjeuner. Mais personne n’arriva. Le frère envoya une des sœurs à la maison pour voir ce qui se passait. L’aînée lui raconta ce qui lui était arrivé et pourquoi elle ne lâchait plus le veau. Il ne fallut pas le dire deux fois à sa petite sœur! Elle l’aida à tenir la bête, elle aussi. Les autres attendaient toujours leur déjeuner!

Au bout d’un moment, le frère dit à sa sœur:

«Rentre à la maison, toi aussi, autrement nous n’allons jamais déjeuner!»

Ainsi fit-elle. A la maison, elle resta à côté du veau et ne bougea plus, elle non plus. Le frère n’en pouvait plus, il se décida de rentrer chez lui pour voir ce qui se passait avec ses soeurs. Quand il les vit, il s’écria:

«Trois filles maudites que vous êtes, que faites-vous là?»

Les filles lui racontèrent pourquoi elles tenaient le veau. Il se mit en colère après elles et leur dit:
«Je vais vous tuer!»

Les sœurs étaient désespérées. Elles le supplièrent de tenir plutôt le veau, lui aussi. Quand il entendit cette demande, il se dirigea vers le portail et dit en partant:

«Je m’en vais par le monde. Si je tombe sur  trois filles aussi écervelées que vous, ça ira, vous serez sauvées. Si non, je vais vous tuer!»

Ainsi fit-il.

Quand il arriva dans un village, il vit une poule et autour d’elle ses petits poussins. Une vieille femme tapait sur la poule. Il lui dit:

«Alors, ma vieille, pourquoi lui tapez-vous dessus?»
Elle répondit:
«Parce qu’elle n’allaite pas ses poussins.»
«Il ne faut pas la taper pour cela. Avez-vous de la semoule à la maison?
- Oui, j’en ai.
- Faites-en une bouillie et donnez-en aux poussins!» dit le jeune homme.

La vieille femme fit ainsi. Quand elle déposa  la bouillie, la poule appela immédiatement ses poussins pour manger. On ne lui fit plus aucun mal.

Le jeune homme continua son chemin. Plus loin, dans un autre village, des ouvriers étaient en train de construire une maison. Il les salua et dit:

«Bon courage!»

Ils lui répondirent:

«Merci mais vous savez, nous construisons cette maison depuis deux ans déjà. Nous avons une petite poutre que nous tirons à gauche, ensuite à droite pour qu’elle soit assez longue, mais on n’y arrive pas. Elle ne s’allonge pas.»

Le jeune homme sortit une autre poutre, l’ajouta à la petite et comme ça, cela allait bien.

Sur ce, il continua son chemin. Au crépuscule, il arriva dans un village et vit que dans une cour des gens agitaient des morceaux de chiffon. Il leur demanda:

«Que faites-vous là?»
Une femme lui répondit:
«Vous ne voyez pas! Nous voulons chasser les mouches au grenier.
- Pourquoi faire?» demanda le jeune homme.
«Parce qu’elles prolifèrent et dérangent nos bêtes», répondit une femme.
«Vous le faites en vain, elles vont redescendre», dit le jeune homme.
«Elles redescendraient si elles le pouvaient parce que nous allons enlever l’échelle», répondit une autre femme.

Le jeune homme ne pouvait rien dire, il tourna les talons et rentra à la maison où il raconta à ses sœurs qu’il avait rencontré plusieurs fous donc qu’il ne les tuerait pas. Les sœurs en furent heureuses mais la nouvelle se propageait déjà et elles ne se marièrent jamais.

Si elles s’étaient mariées, ce conte aurait duré plus longtemps.